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traces, ses moindres souvenirs, y attire de pareilles foules, de tous les bouts du monde ? Lequel surtout continue d’agir comme la petite moniale dans la vie morale du monde, y soutient un pareil idéal de pureté et d’héroïsme ?

Lionel Groulx, ptre

6 février 1931

La Petite Thérèse qui paie bien ses comptes, ou ce qu’elle veut tenir pour tels, ne manque pas de me payer cet autre : mon article. À peine de retour au Canada, je rencontre sur la rue un de mes jeunes amis, l’abbé Brisson, sulpicien. Il a lu, dans Le Devoir, la relation de mon pèlerinage à Lisieux. Il en a été touché.

— Avez-vous quelque bonne relique de la Petite Thérèse ? me demande-t-il.

— J’ai un morceau de vêtement et un bout de cheveu.

— Aimeriez-vous posséder une parcelle d’ossement ? À titre d’assistant du postulateur de la cause de Thérèse, je possède une parcelle que je pourrais diviser.

Je ne me fais pas prier ; j’accepte au comble de la joie. Tout de suite je porte la parcelle à Mlle Quigley. Avec un boîtier de montre féminine, la vieille demoiselle m’a déjà façonné un petit reliquaire. Donc la parcelle s’ajoute au cheveu, au morceau de vêtement. Et je n’ai qu’à enfiler dans l’anneau du boîtier une solide chaînette pour me passer le reliquaire autour du cou. Depuis, les précieuses reliques ne m’ont jamais quitté. Le matin je ne sors pas de ma chambre que je ne les aie là sur ma poitrine, sous ma soutane. Chez moi, en voyage, partout la Petite Thérèse m’accompagne. Un jour je l’oublie à Vaudreuil. Je fais un voyage exprès de Montréal pour l’aller chercher.

Ce pèlerinage de 1931 m’a laissé de bien grands souvenirs. Par bonheur je me trouvai de passage à Lisieux un jour où les pèlerins affluaient peu. J’ai pu prier et méditer dans la chapelle sans être troublé par une foule. Dois-je le rappeler ? Une émotion profonde, intense, me saisit lorsque après quelques pas, j’aperçus, au-delà de la grille, si proche de moi, dans sa châsse, la pe-