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V

PÈLERINAGE À LISIEUX

Ce devait être plus qu’un épisode, mais l’un des grands moments de mon voyage. Je m’en étais fait un devoir de gratitude. Et ma réussite à Paris n’était pas l’unique dette dont je me sentais comptable à ma petite amie du Ciel. Tant de fois, depuis mon pèlerinage de 1922, elle m’avait donné des signes de sa condescendante amitié. Je me rappelais, en particulier, cette faveur merveilleuse obtenue d’elle, trois ans à peine auparavant. Au no 3716 de la rue Saint-Hubert, à Montréal, où j’avais d’abord pris domicile avec ma mère ― un rez-de-chaussée ―, le logis s’était révélé humide et peu éclairé. Habituée à la campagne, ma vieille maman souffrait de cette claustration dans la mi-ombre où le soleil ne paraissait que par l’arrière. Mes yeux s’accommodaient mal de la lumière avare. Après deux ans de séjour, nous décidâmes de chercher gîte ailleurs. Et nous voilà, au printemps de 1928, en quête, dans le quartier, d’un logis plus chaud et plus éclairé. Recherches vaines qui durent plus de quinze jours. La date approchait de l’avertissement obligatoire au propriétaire : garderions-nous ou non le no 3716 ? Je disais alors ma messe, dans un oratoire de Sœurs Dominicaines, côte de la rue Saint-Hubert, près de Sherbrooke. Chaque matin, en descendant l’escalier, mes yeux se portaient avec envie de l’autre côté de la rue, à l’ouest. Là se dressait une maison de rapport à trois étages, dont le deuxième me paraissait notablement éclairé : une ruelle longeait la maison du côté nord, et pour élargir la ruelle, s’étalait le jardin de la maison voisine, laquelle avait façade sur la rue Sherbrooke. Et je me disais chaque matin : « Si