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mes mémoires

core devant moi, le romancier Émile Baumann. Il a les yeux pleins d’eau et les lèvres tremblantes. Il a la réputation, dans les milieux littéraires, d’avoir le parler franc, tranchant, même trop tranchant. Il me dit : « M. l’abbé, je constate que chez vous, des laïcs, des religieux, des prêtres, même des évêques, ont tout risqué, y compris la prison, pour la défense de la culture française. Je regrette de vous dire qu’en France, personne, pas même les évêques, n’ont risqué la prison pour la défense de l’école catholique. » Il souligne énergiquement le mot « catholique ».

Cours à Lyon et à Lille

Entre-temps je cours à Lyon et à Lille. À chaque endroit, l’on m’a assigné une conférence. Je devais aussi me rendre à Saint-Étienne. On me supprime ce voyage. J’en suis bien aise. De Fribourg où j’ai étudié en 1908-1909, m’arrive une invitation à y prononcer une conférence. Par suite d’un malentendu, l’invitation m’arrive trop tard. Je le regrette. Il m’eût fait si grand plaisir de me retrouver en ce milieu où j’avais laissé de si chers souvenirs. Je me rends donc à Lyon le 13 février. J’ai gardé peu de souvenirs de ce voyage. Je me contente de transcrire ici des extraits d’une lettre à ma mère, datée de Paris (15 février 1931) :

J’arrive de Lyon. C’est un grand voyage : huit heures de chemin de fer. Je suis parti vendredi matin ; j’ai fait ma conférence le soir, avec assez de monde. Le Recteur de l’Université [il s’agit du recteur des Facultés catholiques de Lyon] a trouvé que je parlais mon français « avec une sorte de perfection aristocratique ». Je suis rentré à Paris, samedi soir, après un arrêt au petit village d’Ars qui est à 30 milles de Lyon. J’ai donc fait mon pèlerinage au saint curé qui est exposé dans une châsse, au-dessus d’un