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cinquième volume 1926-1931

d’une belle carrure d’épaules, une tête de même ligne, des yeux fouilleurs qui veulent être malins, me reçoit froidement, presque de mauvaise humeur. Il a vaguement appris, me dit-il, que je m’en viens en France faire des cours en Sorbonne et ailleurs. Il n’en sait pas davantage. « Je n’ai point reçu, précise-t-il, le programme de ces cours ; je n’en connais même pas la date. » Je lui réponds : « Je n’ai jamais compris, monsieur le Ministre, qu’il m’appartînt d’organiser moi-même ces cours. M. Dalbis, de l’Institut scientifique franco-canadien, m’a pourtant assuré que tout serait prêt à mon arrivée à Paris… Pour le reste, ajoutai-je, de l’air le plus détaché, tout se passe comme je m’y attendais. » Sur ce, je prends congé de mon ministre, lui annonçant que j’ai rendez-vous, ce jour-là même, chez M. S. Charléty, recteur de l’Université de Paris. Là, l’accueil est simple, aimable. M. Charléty m’annonce que les cartes d’invitation à mes cours sont toutes prêtes et qu’elles seront instamment distribuées. Et comme je le mets au courant de l’état d’esprit du Ministre du Canada : « Que M. Roy se rassure, me dit-il avec un sourire ; il sera promptement servi. » En réponse à mes questions, M. le recteur me fait savoir que les cours à la Sorbonne se donnent le plus simplement du monde, sans toge ni insigne universitaire, sur le ton d’une leçon.

Je l’ai dit il y a un instant : ma solitude ne dura guère à l’Hôtel Malherbe. Dès le surlendemain de mon arrivée, en effet, quatre visiteurs surviennent l’un après l’autre : René Bazin, l’historien Émile Lauvrière, Louis Gillet, secrétaire de rédaction à la Revue des Deux Mondes, Firmin Roz, directeur de la Maison