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vid, en particulier, ne me portait point en son cœur. De tendances fortement nationalistes, en sa jeunesse, on l’avait vu, pendant la première Grande Guerre, aux côtés de ses amis Montpetit, Antonio Perrault, Paul-Émile Lamarche, se prononcer carrément contre la conscription. Quelques années plus tard, avec son collègue, Napoléon Francœur, il proposait à la Chambre québecoise, une résolution d’allure séparatiste. Mais l’on sait qu’il n’y a rien de tel que ces « revirés » pour garder rancœur à ceux qui ne les ont pas suivis dans leurs métamorphoses. Je pus m’en apercevoir un jour que, pendant l’un de mes déménagements, je m’étais fait voler les six volumes reliés des Jugements et délibérations du Conseil souverain. Sur le conseil de mon bon ami, Pierre-Georges Roy, qui m’avait montré maints exemplaires de l’ouvrage en train de moisir dans les caves du parlement québecois, je demandai au secrétaire de la province de me faire cadeau d’une série des Jugements… J’avais invoqué mes travaux d’histoire, les pénibles conditions où il me fallait les poursuivre. L’honorable David m’opposa un refus net. De quoi donc me préserver d’une surprise naïve lorsque peu de temps après l’on m’apprit que le prochain conférencier en Sorbonne ne serait pas l’abbé Groulx, mais un haut fonctionnaire québecois, fort bien en cour, M. Louis-Philippe Geoffrion, auteur de Zigzags autour de nos parlers. M. Geoffrion irait parler à l’auditoire de la Sorbonne, du parler franco-ontarien. L’on m’écartait sans façon. Malheureusement M. Geoffrion se fatigua à la préparation de ses cours. Il tomba malade. Trois ans avaient passé. Le 12 septembre 1929, je recevais ce nouveau mot de M. Montpetit :

Monsieur l’abbé,

On me dit que M. Philippe Geoffrion est sérieusement malade et qu’il ne pourra pas partir en novembre pour donner ses cours à Paris.