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cinquième volume 1926-1931
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D’aucuns nous ont fait grief de ce mot « race », terme qui serait impropre et prétentieux appliqué au peuple canadien-français. Prestement, ils nous ont renvoyé aux rigoureuses définitions des ethnologues. Avons-nous besoin de le dire ? Nous n’entendons nullement parler ici de cette chose à peu près inexistante qu’est une race anthropologique. « Variété dans la famille française », disons-nous ; et voilà où s’arrête notre prétention, ne requérant pour l’historien que le loisir de parler comme tout le monde. « N’entrons pas dans la question de savoir si les races existent ou non, au sens absolu », écrit Lucien Romier. « Personne ne niera, qu’en pratique, des hommes d’un certain pays ou d’une certaine origine aient des qualités et des défauts communs, qui influent grandement sur la fortune de leur nation ; en ce sens, il existe une race française, une race écossaise, une race irlandaise, une race germanique, une race slave, une race italienne, une race berbère, des races indiennes… » La naissance d’une race au Canada n’implique donc aucunement la rupture de cette race nouvelle avec son vieux passé français. À moins que ce ne soit sortir de la race française que d’y constituer un type nouveau, une « variété ». Ceux-là seuls se donnent l’air de le croire qui soutiennent, contre toute évidence, que rien n’est plus semblable à un Français de France qu’un Français du Canada, quittes à gémir, d’autre part, sur tant de nos dissemblances avec le type primitif.

Comme quoi, en cette pauvre vie, on passe beaucoup de son temps à dissiper des malentendus. Cette réédition de La Naissance d’une Race, étude pourtant si rapide et si superficielle de cent cinquante ans d’histoire, ne passa pourtant point inaperçue. Je trouve, en mon spicilège, quelques articles fort élogieux, l’un du critique Stello, du journal Le Canada, un autre d’Alfred DesRochers, dans La Tribune de Sherbrooke (11 juillet 1931). Pour DesRochers, La Naissance d’une Race serait « une lecture essentielle à quiconque s’honore du nom de Canadien français ». Témoignage ajouté à tant d’autres que j’ai déjà donnés sur l’état d’âme d’un peuple qui croit enfin découvrir son histoire.