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cinquième volume 1926-1931

d’être aussi fier de sa logique ? Car enfin, ou j’ai ou je n’ai point, sur mes compatriotes, l’influence qu’il se figure. Si je l’ai, ou mes attitudes et mes doctrines ne sont pas de si sot parti-pris qu’il le soutient ; ou elles sont telles, et, alors, de deux choses l’une : ou les Canadiens français ne sont qu’une race de parfaits Béotiens, ou M. Brown ne sait pas ce qu’il veut dire. Comme ce monsieur paraît avoir des loisirs, je lui propose un petit séjour, un bain d’esprit dans la province de Québec. Il découvrira, peut-être, que les Canadiens français ont pour le moins autant d’esprit critique que certain collaborateur du Canadian Forum.

En attendant qu’il ne fasse pas de la neurasthénie. Les glorieuses loges d’Orange, avec qui je ferais œuvre convergente, ne m’ont pas encore offert de jument blanche pour leur défilé du 12 juillet. L’Action française et mes modestes œuvres d’histoire, aidées de bien d’autres, ont peut-être redonné à mes compatriotes du Québec un peu plus de fierté, une conscience plus avertie de leurs droits. Mais pour tout cela la minorité protestante de la vieille province ne s’en porte pas plus mal. Et personne, que je sache, n’a encore proposé de la jeter dans le Saint-Laurent.

Il resterait à faire beaucoup d’observations sur l’article de cet excellent M. E. K. Brown, et, par exemple, sur la méthode historique qu’il dit être la mienne, ce qui le fait disserter d’art et de science comme de deux notions bien près de se repousser en histoire. Certes, j’aurais grand plaisir à discuter cette théorie avec un publiciste qui aurait quelque sens de ces choses. M. E. K. Brown comprendra que je n’aie nullement le goût d’en discuter avec lui.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments distingués.

Abbé Lionel Groulx

De cette réponse qui ne parut jamais dans le Canadian Forum, je ne reçus nulle nouvelle. Il est vrai que je l’avais rédigée en français. De ce jour, je commençai à m’édifier sur la loyauté ou le « fair play » de certains de ces messieurs. Et ce ne sera pas la dernière fois.