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parti-pris m’a laissé la liberté d’esprit suffisante pour saluer au passage les grandes conceptions impérialistes d’un Durham et d’un Metcalfe. Eh bien, est-ce là, selon le sot système critique que me prête M. Brown, abominer tout ce qui vient de la Grande-Bretagne, parce que venant de la Grande-Bretagne ? Sans doute, et je n’en sollicite guère l’absolution, j’ai traité d’autre façon quelques hauts fonctionnaires coloniaux et métropolitains. Est-ce ma faute si le Canada a eu d’autres gouverneurs et s’il y a d’autres Anglais ? Mais que j’aie jugé ces hommes sévèrement, uniquement parce que Anglais, je mets bien au défi M. E. K. Brown de trouver deux lignes de mes ouvrages qui justifient sa haute fantaisie.

Je l’avoue encore : je n’ai pas eu que des amabilités pour ce que l’on appelle, dans l’histoire du Bas-Canada, le régime oligarchique, régime parallèle à ce que l’on dénomme, dans le Canada anglais, le règne du Family Compact, coalition de fonctionnaires métropolitains et coloniaux, pour maintenir, en dépit des institutions parlementaires, le régime de la colonie de la couronne. Mais quand tous les historiens anglo-canadiens, sauf ceux de l’école tory, exècrent chez eux le règne du Family Compact ; lorsqu’un universitaire intelligent, d’esprit ouvert comme M. Duncan McArthur, écrit que le pire obstacle à l’anglicisation dans les colonies ne fut jamais autre que l’Anglais lui-même, comment s’étonner qu’un historien de nationalité canadienne-française ressente quelque humeur devant un régime qui, par ses partialités et ses égoïsmes politiques, a paralysé, pendant cinquante ans, la vie économique et intellectuelle de son pays, un régime qui doit être tenu responsable, pour une grande part, de la présence aujourd’hui, en dehors de nos frontières, de 1,500,000 Canadiens français ?

Si M. Brown tient à le savoir, je lui dirai que, dans mon cours de cette année qui a pour sujet général : « L’Enseignement catholique et français chez les minorités au Canada », je paierai généreusement mon tribut d’hommage à la noble minorité d’anglophones qui, sur tous les points du pays, se sont portés à la défense du droit et du faible. J’y ajouterai même, qu’en ces derniers temps, un grand apaisement s’est fait au Canada, et que cet apaisement, nous le devons, pour une bonne part, à quelques politiques anglo-canadiens généreux et clairvoyants, et à quelques grands universitaires de même race qui en ont assez