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cinquième volume 1926-1931
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Les Français aiment l’équité,
Les Anglais la duplicité,
Voilà la différence. »

Après avoir lu ces deux passages, beaucoup des lecteurs du « Canadian Forum » se seront demandé, j’en suis sûr, quels loisirs de grand seigneur permettent à M. E. K. Brown de s’occuper d’un aussi colossal Béotien que votre humble serviteur.

M. E. K. Brown paraît avoir l’habitude de lire le français. Je voudrais me tenir pour assuré qu’il le comprend. Car enfin s’il avait compris mes Lendemains de conquête, par exemple, qu’il se donne l’air d’avoir lu, comment pourrait-il ignorer que fort peu d’historiens canadiens-français ont jugé aussi équitablement ce qu’on a appelé, en notre histoire, le régime militaire ? Ne saurait-il point que, non le premier, mais l’un des premiers, j’ai fait effort pour dissiper la légende du régime terroriste, épouvantail trop longtemps cher à nos anciens historiens ? S’il avait lu et compris cet ouvrage, M. E. K. Brown aurait pu y cueillir des jugements comme ceux-ci : « En toute loyauté il faut… affirmer que nos pères se sont bien trouvés de toute l’administration judiciaire de ce temps. Et de quoi se seraient-ils plaints ? Aucun des documents de l’époque ne trahit la pensée de faire servir les tribunaux à une politique d’exploitation ou de persécution » (p. 125). « C’est encore avec exagération que l’on a parlé quelquefois de juges anglais parlant une langue étrangère à tout le peuple » (p. 126). « L’historien doit l’admettre : ce sont de francs éloges, des témoignages d’affection et de gratitude que nos ancêtres ont adressés à leurs premiers gouverneurs anglais » (p. 127).

Si j’ai dû faire quelques réserves sur l’administration de sir James Murray, beaucoup d’historiens ont-ils plus que moi rendu hommage à son esprit de justice, à sa magnanimité ? Mes préjugés d’historien canadien-français m’ont-ils empêché de reconnaître le grand sens politique d’un Carleton ? L’un des premiers, également, n’ai-je pas réduit à ses proportions la légende Haldimand, jugeant cet homme avec autant de bénignité à tout le moins que M. Chapais ?

M. Brown fait mine de connaître jusqu’à mon cours oral, encore inédit, de l’Université de Montréal. Si oui, comment ignore-t-il le jugement, franchement sympathique puis-je dire, que j’ai porté sur des gouverneurs tels que Prevost, Sherbrooke, Burton, Gosford, Colborne (même Colborne), Bagot, Elgin ? Mon