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sixième volume 1931-1939

de faire voyager un politique qui nous cause tant d’ennuis et de si redoutables palpitations de cœur.

Le journal, La Boussole (18 septembre 1937), en sait-il davantage ? Il prend le ton menaçant, sous la plume d’Hermas Bastien :

… Nous affirmons qu’en cette année du souvenir, l’ombre sinistre des gibets de 1837 se profile trop nettement en nos âmes pour qu’une autorité, quelle qu’elle soit, ose prendre le risque de nous priver, fût-ce temporairement, pour plaire aux pleutres et aux veules, de celui dont la doctrine galvanise nos courages. Si ce langage n’est pas assez clair, qu’on nous le dise. Nous pourrons sûrement préciser, mais ce sera un signal de consternation dans le royaume des prudes.

L’appréhension des amis subsiste encore en novembre de la même année. À l’inauguration de mon cours d’histoire au Palais Montcalm, à Québec, le 19 de ce mois-là, le président de la Société Saint-Jean-Baptiste qui me présente, prononce ces graves paroles :

Nous vous assurons de notre entier dévouement, nous vous promettons de suivre vos directives, et, au besoin, de monter la garde auprès de vous.

L’auditoire saisit parfaitement l’allusion. Je ne le cacherai point, ces chaudes affections de mes amis et compatriotes, amitiés qui vont chez quelques-uns jusqu’à l’adulation, m’ont souvent occasionné des sentiments de vanité, sinon d’orgueil. Pour n’y pas succomber, j’ai eu grand besoin de me rappeler mes trop manifestes limites, le caractère d’ébauche de presque toute mon œuvre écrite, la fragilité de toute vie humaine, facile à briser comme un roseau. Et surtout, j’ai tâché de ne pas oublier la source divine de tous les dons rapportables à Dieu, à Dieu seul comme en la parabole des talents. D’ailleurs, saint Paul, l’un de mes saints de prédilection, me répétera si souvent : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? »