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cinquième volume 1926-1931

d’ajouter : « Plus tard, ce fut aussi ma conviction. » Comme quoi les politiciens, sortis de la politique et débarrassés des visières partisanes, ont de singulières réactions. Et comme quoi, au fond de tout Canadien français normal et le moindrement intelligent, sommeille un nationaliste qui s’ignore.

Je revins du Manitoba, emportant non pas une documentation exhaustive sur la question scolaire, mais en possédant assez bien, me parut-il, l’ensemble, les lignes maîtresses. Puis j’avais pris le pouls de la minorité. On m’avait fait assister à quelques manifestations de la résistance. J’avais pu y constater un merveilleux courage, un élan de fierté dont je ne pourrai plus parler qu’avec émotion. Ces petits groupes si éloignés, si isolés, qui, par simple goût ou passion de leur culture et par fidélité aux ancêtres, s’imposaient tant d’ennuis et tant de sacrifices, évoquaient à mes yeux une image de la plus remarquable humanité. Où sont les groupes ethniques au Canada qui se sont battus pour aussi nobles enjeux ? La question des écoles manitobaines m’accaparera longtemps. J’aurai à me plonger dans les journaux du temps, en un amoncellement de brochures parues à la même époque et surtout dans les livres bleus du gouvernement d’Ottawa. L’archiviste du Canada, M. Arthur Doughty, qui m’aura toujours manifesté beaucoup de sympathie, me laissera même fouiller dans la correspondance de sir Wilfrid Laurier, récemment déposée aux Archives d’Ottawa, tout en me recommandant toutefois de n’en user qu’avec discrétion, le dossier n’étant pas encore à la disposition du public. J’y appris quelques dessous de l’épineuse affaire, et, par exemple, le souhait de Laurier quant au choix du délégué de Rome envoyé au Canada. Il le voulait de « british birth and education », « familiar with British Institutions », et parlant les deux langues. C’est encore dans ces Papiers de Laurier qu’on trouve un certain historique de la mission Merry del Val : promesse solennelle d’Ottawa au délégué papal, promesse de concessions de la part du gouvernement de Winnipeg ; puis silence et dérobade obstinés de Winnipeg ; grave désappointement du délégué qui se croit dupé ; efforts d’Ottawa pour rasséréner