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cinquième volume 1926-1931

n’a-t-elle pas tenu la manchette dans la vie politique au Canada ? Nulle peut-être, pas même la question scolaire franco-ontarienne, n’aura donné autant de maux de tête aux politiciens, n’aura fait travailler à ce point journalistes, avocats, juges, tribunaux de toute juridiction ; nulle, à coup sûr, n’a plus soulevé les passions électorales. En mon temps de collège, des échos de la bataille parvenaient même à transpercer nos murailles si copieusement calfeutrées. La question scolaire manitobaine déclenchera un changement de gouvernement à Ottawa. Wilfrid Laurier lui devra son avènement au pouvoir. J’étudie la brûlante question, comme il va de soi, aux archives de l’Archevêché de Saint-Boniface. J’y trouve de riches dossiers. Documents que je compulse avec la sensation de remuer encore, après trente ans, de la cendre de volcan. Et je note et transcris à la plume. Ma future secrétaire est encore couventine. Et l’ère n’est pas venue de la machine à filmer. Je consulte aussi quelques survivants de la période héroïque. Il en existe quelques-uns : les Bernier, le juge L.-A. Prud’homme, le juge Prendergast. M. Joseph Bernier, député alors de Saint-Boniface au parlement de Winnipeg, et d’allégeance fortement conservatrice, m’affirme carrément : « La question scolaire fut réglée en 1896 quand, par l’attitude de Laurier, il advint que le recours au gouvernement fédéral devenait illusoire pour la minorité du Manitoba. » Jugement catégorique qui m’est énoncé au cours d’un dîner à l’Hôtel Marlborough de Winnipeg où je suis l’invité des deux Bernier, Joseph et Noël, d’Henri Lacerte et de Donatien Frémont, celui-ci directeur de La Liberté. À ce même dîner, Henri Lacerte, jeune avocat du Québec récemment passé au Manitoba et que j’ai connu naguère à l’ACJC,