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V

UN RENOUVEAU POLITIQUE

Je retourne encore quelques années en arrière. Le problème économique n’est pas le seul qui inquiète les esprits. La misère généralisée par le grand chômage remettait tout en question. Il semblait que toutes les institutions, toute la société subissaient un ébranlement. Je crois l’avoir déjà dit : une pléthore de « sauveurs », de réformateurs improvisés, la plupart du temps pauvres cerveaux malades, colportaient leurs plans de cité future : rêve édénique d’une société et d’un monde d’où la misère serait bannie par un coup de baguette magique, rien que par une savante combinaison des pouvoirs politiques, législatifs, judiciaires, etc. ; projets de constitutions à rendre des points à tous les Solons passés, présents et futurs. Heureusement les mêmes soucis s’éveillèrent ailleurs que sous le ciel d’Utopie. Les Jeune-Canada avaient donné le branle. Il parut que le sommeil, le laisser-faire, le laisser-aller prendraient fin. Dans le champ politique même on se remuait. À Québec, autour du Dr Philippe Hamel, une lutte contre les « trusts », surtout celui de l’électricité, auteur de tous les maux, une lutte s’amorçait. Une phalange se groupait ; en tête deux jeunes hommes dynamiques : René Chaloult, J.-E. Grégoire, futur maire de Québec. À Montréal, un commencement de révolte soulevait la jeunesse libérale. Elle voulait « libéraliser » le parti régnant, gangrené, vieilli par une trop longue possession du pouvoir. Un parti de jeunes se dressait qui prenait le nom d’Action libérale nationale. À la direction du mouvement figurait un jeune homme qui ne manquait pas d’ascendances : Paul Gouin, fils de l’ancien premier ministre à Québec, sir Lomer Gouin, petit-fils d’Honoré Mercier — celui qu’on appelait Mercier le Grand pour l’opposer à son fils, porteur lui