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sixième volume 1931-1939

Vézina a publié un bouquin sur le Crédit ; Albert Pelletier est mort deux mois passés ; Paul Bouchard attend l’heure de la Providence ; et le dernier de tous, l’avorton comme écrivait S. Paul, s’est anéanti sous le froc des Moines d’Occident. Voilà, vous en conviendrez, une suite de vocations pittoresques et qui ont toutes sorti de la boîte de Pandore québecquoise, aux beaux jours des engueulades et des coups de matraque.

L’invariable question me revient : qu’a-t-il manqué à cet autre mouvement de jeunes pour durer davantage et s’imposer efficacement, sinon à l’opinion publique, au moins aux milieux de jeunesse ? Le groupe manquait d’abord d’homogénéité. Tous ne possédaient guère, à égale dose, leurs convictions religieuses et nationales. Je vois, par exemple, que Marcel Hamel vient près de me gronder parce qu’à ce qu’il semble, je serais intervenu en faveur de Pierre Chaloult : « Ma surprise est assez grande, en effet, de vous voir devenir le défenseur de M. Pierre Chaloult. Je comprendrais encore votre intervention si ce monsieur représentait un groupe nationaliste, mais il n’en est rien. Son influence est nulle où que ce soit ; ses aventures peu louables chez nous l’ont autrement discrédité que servi. » Paul Bouchard est un franc nationaliste et nationaliste de mouvance canadienne-française. Catholique, ne l’est-il qu’à la façon maurrassienne ? Un jour que je l’exhortais discrètement à s’exprimer, en ses articles ou discours, de manière plus explicite sur ce point, il me répondait qu’il avait horreur des professions de foi à coups de « trompette ». Fort bien. Mais il y a une manière de confesser sa foi, sa confiance en elle, en la doctrine catholique, en l’Église pour toute restauration sociale et nationale, une manière, dis-je, qui n’a rien à voir avec la trompette. Et qui était-ce que Jean-Louis Gagnon ? Un autre que le groupe n’accepta qu’avec discrétion. Je me souviens d’une visite que me fit un soir à mon cabinet de travail de la rue Sherbrooke, le jeune Gagnon. Autant que je le puis conjecturer, c’était quelque temps après la dissolution du groupe de La Nation. Jean-Louis Gagnon m’arriva avec des yeux embués d’une