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tes que, dans L’Action nationale de février 1934, je publiais une lettre à un jeune homme sur « Le national et le religieux ». La même et déplorable doctrine empêchera les Jeune-Canada de s’infiltrer dans la nouvelle ACJC, où ils auraient peut-être prévenu de déplorables déviations. Mais, dans ce milieu, on montait bien la garde. Quelques-uns seulement de ces dangereux jeunes gens purent forcer les portes du cénacle ; ils y prirent, du reste, en peu de temps, figures d’indésirables. Un bon Père jésuite, d’esprit assez borné, ne voulait que d’une ACJC à son image. Une autre épreuve guettait les Jeune-Canada : le renouvellement trop rapide des équipes en toute œuvre de jeunesse. Œuvre d’attente, œuvre saisonnière, dirai-je, où l’on entre à dix-huit ans, pour en sortir à vingt-cinq. Aussitôt engagé dans sa carrière ou dans le mariage, le jeune homme se sent serré de trop près par les exigences de sa vie ; il passe forcément la main à de plus jeunes et se donne de préférence à des œuvres d’adultes. Les Jeune-Canada n’échapperont pas à ce mal congénital. En outre, leur équipe manque de cadres ; elle n’est pas une ligue à plusieurs sections ; elle n’est qu’une équipe. Que les chefs ou une large portion du groupe soient contraints à la dispersion et ce peut être la mort de l’œuvre. Il en advint ainsi. Après 1935 quelques-uns des dirigeants partent poursuivre des études, les uns en Europe, d’autres ailleurs. Certains sont happés, garrottés par l’exercice de leur profession. En peu de temps, la flamme va baisser, le feu va s’éteindre. Son mérite, son grand mérite resta, ai-je dit, d’avoir passé l’étincelle à d’autres qui l’attendaient. Moi-même, je ne me laisse pas trop impressionner par cette fin d’œuvre prématurée. Toujours prompt à l’optimisme, je ne cesse pas d’espérer. À propos d’un livre d’Hermas Bastien, Conditions de notre destin, récemment paru, j’écris dans Le Devoir du 30 novembre 1935 : « S’il est triste de découvrir que notre patriotisme n’a été trop longtemps qu’une fleur d’herbier, il est agréable d’apprendre qu’il peut devenir une fleur vivante. » Oui, de ce choc d’une toute petite équipe sur l’opinion en l’an 1932, il faut le dire, surgit une vraie floraison de mouvements libérateurs. Dès lors l’on aurait pu voir se lever les espérances de 1935-1936. Espérances, je le veux bien, qui laisseront des souvenirs forts mélancoliques, mais pour avoir été trop pleines de promesses. Toutefois, les Jeune-Canada n’ont-ils compté pour rien dans la fondation de L’Action nationale, résurrection de L’Action