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1936) : « Si pleine et féconde que soit cette œuvre historique, ce serait diminuer l’abbé Groulx que de n’en retenir que cet aspect. L’actuelle renaissance nationale, en grande partie, sort de lui. Il a renoué la tradition. Dans le passé, il a redécouvert le sens de notre destin. Et c’est avec une énergie parfois farouche qu’il nous a rappelés à la réalité, rappelés au devoir. Un étranger mesurera-t-il la portée de ce courage et de cette lucidité ? L’abbé Groulx, c’est la continuité française en Amérique : pour un temps, presque seul il se tint debout. Il élargit notre nationalisme, il l’enrichit de toutes les valeurs culturelles que nous représentons au Canada ; par-delà les revendications politiques et les servitudes de l’imitation, il nous redonna le goût de la vie libre. » Quelques mois auparavant, l’éditeur Albert Lévesque a lancé un plébiscite. Les lecteurs de l’Almanach de la Langue française sont priés de désigner, parmi 158 écrivains canadiens-français, vingt auteurs « dignes de constituer une Académie canadienne ». On vota. L’abbé Groulx figure en tête de la liste. Ainsi peu à peu un mythe se créait ; des espérances s’échafaudaient qu’un pauvre homme ne pourrait satisfaire. On me faisait plus grand que nature. Je ne sais plus quel rhétoricien avait même parlé d’étoile enfin levée. Pauvre étoile qui allait ressembler à tant d’autres qu’on croit tenir au bout de son regard, au fond des cieux, et que le moindre brouillard, une larme au coin de l’œil, efface.

Les Jeune-Canada tiendront d’autres réunions publiques. Ils se retrouvent au Monument National, le 19 décembre 1935, pour commémorer le troisième anniversaire de leur première manifestation au Gésu. Depuis trois ans, ils se sont mûri l’esprit ; ils ont travaillé, structuré leur doctrine. Cette doctrine, ils l’ont condensée en des brochures ou tracts de propagande. En voici quelques-uns : Paul Dumas : Nos raisons d’être fiers ; Dostaler O’Leary : L’ « Inferiority Complex » ; Thuribe Belzile : Nos déficiences, conséquences, remèdes. Notons, en particulier, Notre nationalisme, par André Laurendeau (52 pages, octobre 1935). Ces jeunes hommes n’ont pas perdu leur peine ; leurs appels ont trouvé écho dans les milieux de jeunesse. Le jour même de leur assemblée du 19 décembre 1935, M. Omer Héroux leur rendait, dans Le Devoir, un hommage mérité :