gissent, prolifèrent de toute part, avec des fins, des buts divers, mais en réaction unanime et vive, le plus souvent violente, contre l’état de choses, l’insupportable présent, contre les aînés à qui l’on prodigue la réprobation. À quelques-uns de ces mouvements, les circonstances m’ont particulièrement mêlé ; je n’ai ici qu’à rappeler mes souvenirs.
L’Action nationale
Voici d’abord L’Action nationale. Un jour de 1932, je loge alors au 2098, dans la côte de la rue Saint-Hubert, près de la rue Sherbrooke, je reçois la visite du Père Alexandre Dugré, jeune jésuite qui se donne volontiers, sans effort du reste, des airs de mousquetaire. Un volcan toujours à la veille d’éruption. Esprit impétueux, mais généreux, d’un patriotisme ardent. Un passionné des terres neuves, de l’établissement des colons, panacée, pour lui, de presque tous nos maux. Il défend ses thèses avec autant d’âpreté que d’enthousiasme. À quoi le comparer encore ? À un Chantecler, sans doute, qui saurait claironner le réveil, mais aussi se servir de ses ergots. Avec tout cela, de remarquables dons d’orateur, tout en saillies pittoresques, le plus joliment du monde ; don aussi d’écrivain d’un mordant, d’une sève qui ne demandait qu’à déborder. Ce Père Alexandre, combien différent de son frère aîné, le Père Adélard, jésuite lui aussi, mais l’incarnation du calme, de l’esprit pondéré, excellent conseiller, portant sous l’écorce toute la lave de son jeune frère, mais une lave refroidie. Donc, ce jour-là, le Père Alexandre, ainsi que nous l’appelions, m’arrive en trombe. De toute évidence il s’en vient me sermonner. Une pluie se déverse tout de suite, à gros grains, presque de la grêle : « Je perds mon temps ; ma vocation véritable n’est pas l’histoire, mais l’action, rien que l’action. Le feu est à la maison ! Ma place est-elle sur le trottoir à regarder les pompiers ? Puis pourquoi avoir laissé mourir L’Action française ? Et pourquoi ne pas la ressusciter ? La jeunesse m’appelle, m’attend. Vais-je donc m’embourgeoiser ? » Je subis l’averse avec un demi-sourire. Le devoir d’état, rappelai-je à mon bouillant visiteur, mérite tout de même