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On comprendra, à la suite de ces faits, que le professeur d’histoire de Montréal était rien moins qu’un professeur de tout repos pour l’Université d’Ottawa. D’ailleurs, à cette époque, il n’y a pas lieu pour lui de se mettre en quête de chaire où enseigner. Au début de l’année 1937 une invitation, un appel lui arrive de Québec cette fois. M. Chapais vient de terminer ses cours à l’Université Laval. Il se refuse à dépasser la période de l’Union des Canadas. L’Université québecoise n’a préparé ni assuré un successeur à M. Chapais. Tout au plus, l’abbé Albert Tessier — il est encore simple abbé — donne-t-il quatre cours par année et rien qu’aux « mardis universitaires ». La capitale provinciale bouge à l’époque. Le trio Philippe Hamel, Ernest Grégoire, René Chaloult y a, depuis trois ou quatre ans, soulevé l’opinion. On déplore souvent avec indignation l’absence de cours d’histoire canadienne à l’Université, nourriture dont ne peut se passer l’esprit national en éveil. L’invitation m’arrive donc un jour d’aller répéter mes cours dans la capitale. Invitation embarrassante. Elle me vient de la Société Saint-Jean-Baptiste. Accepter, c’est me mettre à mal avec l’Université Laval et avec mon bon ami l’abbé Tessier. Un monsieur de Montréal se donnerait l’air de combler une carence dont ses amis de Québec se plaignaient trop ouvertement. Mon cours d’histoire pouvait paraître un soufflet à l’Université québecoise. L’abbé Tessier, dûment abordé, fait savoir qu’il n’y prendra nul ombrage : « On n’enseignera jamais trop l’histoire de notre pays », aurait-il répondu. À l’Université, on assure ces messieurs de la Saint-Jean-Baptiste qu’on ne voit nulle objection à ces cours, dès lors qu’ils ne seront point donnés dans la chaire de la maison. Mes amis se rabattent avec joie sur la grande salle du Palais Montcalm. Mais sauraient-ils y attirer un auditoire convenable ? Nous étions à la veille du deuxième Congrès de la Langue française. Les cours d’histoire auraient lieu au printemps de 1937, en février, mars et avril. J’avais choisi pour thème : « La Nouvelle-France au temps de Champlain ». Sujet, estimait-on, qui préparerait opportunément les esprits aux grandes assises du Congrès. On ne se trompait guère. Telle était, à Québec, ai-je rappelé, l’effervescence des esprits, en particulier dans les milieux de jeunesse, que, dès le premier soir, la vaste salle du Palais Montcalm s’emplit à déborder. Même auditoire jusqu’à la fin de mes six conférences. Ces cours de