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sixième volume 1931-1939

sache, la langue anglaise, mais bel et bien, hélas, la langue maternelle des Canadiens français. On nous dit que nul ne saurait prétendre aux premiers postes, en ce pays, sans la connaissance de l’anglais. Eh, sans doute. Mais nous croyons aussi que la connaissance de l’anglais n’est pas tout, ni même la première condition du succès, et que nul n’occupera jamais quelque haute fonction au Canada, si d’abord il n’est intelligent, et que la première condition pour être intelligent, c’est d’être formé selon les disciplines de sa culture. J’en suis, d’ailleurs, encore à chercher lequel des nôtres, doué pour les plus hauts postes, a été empêché d’y accéder, par cela seul qu’il ignorait l’anglais ou s’était révélé impuissant à l’apprendre.[NdÉ 1]

Pour finir, je livrais à l’auditoire deux mots d’ordre, empruntés à l’Action française au temps où j’en étais le directeur :

Aux dames et demoiselles : « Il faut que cela devienne chic d’être Canadiennes françaises ! »
Aux jeunes gens : « Ce n’est pas assez d’être Canadiens français ; soyons-le superlativement ! »

Le lendemain, eh oui ! le lendemain, 20 avril 1933, autre discours pour le 75e anniversaire de la Société historique de Montréal, et en remerciement pour la « médaille Vermeille » que la Société me décerne ce soir-là. Souvenir déjà évoqué, je n’y reviens pas.

Un mois et demi plus tard, je me retrouve à Québec. La capitale a voulu se donner, elle aussi, une « soirée de refrancisation ». En collaboration avec les Jeune-Canada, mouvement dont il sera question plus loin, la Ligue d’Action nationale organise une manifestation oratoire au Palais Montcalm. Chaloult (René) paraît avoir pris l’initiative de la chose. Il m’écrit le 3 mars 1933 :

Québec ne doit pas plus longtemps rester en arrière. Il faut que le renouveau patriotique que vous suscitez à Montréal nous atteigne. À cette fin, nous avons décidé, M. L’Heureux et moi, comme directeurs de la Ligue d’Action nationale, d’organiser une grande assemblée patriotique dont vous serez le principal orateur.

  1. Ibid.