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sixième volume 1931-1939

Jeunesse canadienne-française. Elle a lieu à la Palestre Nationale de Montréal. Beaucoup s’inquiètent de notre glissement trop manifeste vers l’anglomanie et même vers l’anglicisation. Toujours les mêmes misères, les mêmes problèmes qui reviennent épidémiquement. Phénomène de réaction consolant à tout prendre. Fièvre passagère si l’on veut, mais témoignage d’un peuple encore capable de s’inquiéter de sa culture et même de son âme.

J’ai écrit, dans Le Devoir (2 décembre 1932), un article : « Pays français, visage anglais », qui a fait causer. J’avais conclu sur cette note pessimiste : « Hélas, s’il était possible, par un instrument quelconque, de prendre, à l’heure actuelle, l’exacte mesure de l’engourdissement dans tous les domaines et dans toutes les classes de la société canadienne-française, quelle effroyable révélation, à ce qu’il semble bien, nous serait jetée au visage ! » La jeunesse a résolu de réagir. L’on m’accole, ce soir du 19 avril, à un ministre québecois du cabinet Taschereau, Joseph-Édouard Perrault, homme estimable, frère de mon grand ami Antonio Perrault. Toujours pour recomposer l’atmosphère du temps, je note quelques-uns de mes propos de ce soir-là. Tout d’abord, comme il se doit, et comme j’en ai pris l’habitude à l’époque, voici un hommage à la jeunesse : « Un des symptômes les plus consolants de l’heure présente, c’est bien que ce soit la jeunesse qui sonne le réveil. Et elle le sonne avec tant de noblesse et tant d’élan que les aînés, et même les vieux, s’embrigadent joyeusement et s’efforcent de se rajeunir les jambes pour ne pas suivre de trop loin. »

M. Perrault avait noblement parlé. Au surplus, son geste, sa présence en tel milieu, en un tel débat, conféraient au ministre un petit air d’indépendance. Je le remercie, et pour rester dans la note, je me risque à définir, une fois de plus, avec un peu d’audace, ce que pourraient être, à mon sens, les inspirations maîtresses d’une politique appropriée au Québec :