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que-là le pamphlétaire ne m’a guère ménagé. Mes romans, en particulier, lui ont donné sur les nerfs, et, s’il faut l’en croire, lui auraient arraché « des jurons que nos féministes ne priseraient pas beaucoup ». Il ne goûte pas davantage mes « tracts sur les questions sociales ». Il s’incline devant l’historien et pas à demi : « L’œuvre historique de l’abbé Groulx, voilà l’exégèse qui nous grandit, voilà la fresque lumineuse qui écrase de tout son poids et de toutes ses couleurs le monde de nos lettres imitées et serviles. » Quelques pages plus loin, Valdombre renchérit : « Qu’on me cite dans la littérature canadienne un autre historien qui ait réussi à créer de la vie avec des textes incontestables, et disons le mot, avec un peu de poussière du temps. Pas même Garneau qui possédait, toutefois, un sens assez aigu de la poésie de l’histoire. L’abbé Groulx est seul. Il règne. Il domine. » Pour excessif que pût être ce jugement de Valdombre, il ne resterait pas sans effets. On craignait beaucoup le pamphlétaire. Il me vaudrait un parapluie contre bien des averses ; il enseignerait prudence et discrétion aux petits envieux qui n’ont de courage qu’au sein d’une meute ou à la file. Et, sans l’avoir voulu, Valdombre serait de ceux qui peu à peu me dresseraient, hélas, un piédestal et m’assigneraient un rôle pour lequel je n’étais point fait.