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mes mémoires

Notre maître, le passé — 2e série

Un livre d’histoire celui-ci, le sixième de mes ouvrages parus depuis 1931. En dépit d’une existence agitée et surmenée, je n’ai pas négligé mon devoir d’état. À l’histoire, on le verra, j’ai donné le meilleur de ma vie. Une conviction me possède au surplus, en ce temps-là, conviction peut-être discutable, mais on ne m’eût pas enlevé de l’esprit que je ne pouvais mieux servir mes compatriotes et surtout la jeunesse qu’en me livrant à mon métier d’historien. L’histoire, suprême tonique, ce me semble, dont notre peuple ne saurait se passer. Que de fois, aux amis trop tenaces ou même importuns qui tentent de m’arracher à mon professorat, ai-je rétorqué : « Laissez-moi bâtir en paix notre histoire ; c’est là que je puis le mieux servir. L’histoire, insistais-je, ne se bâtit pas en parcourant les routes, les tribunes. Elle ne se fait ni en auto ni en chemin de fer. » Ce tonique, le public en ressentait-il quelque besoin ? La réponse serait l’accueil accordé à cette deuxième série de Notre maître, le passé. Le volume paraît, il est vrai, en décembre 1936, à la veille du centenaire de 1837. Les esprits sont aux aguets. L’anniversaire est de taille. N’y aura-t-il pas lieu de le célébrer, ou, à tout le moins, de le commémorer ? Des projets s’esquissent. À Montréal, et peut-être ailleurs, les autorités religieuses s’inquiètent. Un jour où je me promène en face de mon domicile de la rue Sherbrooke, une limousine tout à coup rase le trottoir : de l’intérieur un personnage ecclésiastique me fait signe de monter dans la voiture. Le personnage est Mgr Georges Gauthier, alors administrateur du diocèse de Montréal. Que me veut-il ? Précisément m’interroger sur l’opportunité des célébrations qu’on projette pour 1937 et sur le rôle possible ou opportun du clergé en l’affaire. J’opine évidemment pour une participation discrète du clergé dans les prochaines commémorations. Mais je sers à mon chef ecclésiastique, puisqu’il le requiert, une bonne part, sans doute, de l’entrevue qu’à peu près vers le même temps, j’accorde sur le sujet à M. Arthur Laurendeau. Notre maître, le passé (2e série) contient cette entrevue déjà parue dans L’Action nationale (juin 1936) et que M. Laurendeau était venu m’arra-