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sixième volume 1931-1939

orateur, ou presque, n’a mentionné son nom. Aucun comité ne l’a prié d’adresser la parole. Il semble qu’on ne l’ait même pas invité à assister aux réunions, réceptions et autres organisations de ces dix jours de fêtes. Comme journaliste, j’ai assisté à un bon nombre des diverses cérémonies tant à Québec qu’à Montréal, et je n’ai rencontré nulle part l’historien le plus autorisé du Canada…

Si même on voulait s’en tenir étroitement aux titres officiels, l’abbé Groulx n’est-il pas le titulaire de la chaire d’histoire du Canada à l’Université de Montréal ? Les fêtes récentes n’étaient-elles pas avant tout des fêtes de l’histoire et l’abbé Groulx, à titre de professeur d’histoire, sinon à titre d’historien du Canada et d’historien de Cartier en particulier, n’était-il pas tout désigné pour donner à ces commémorations leur sens précis et leur portée véritable ?

L’article de Georges Langlois se terminait par ce dernier paragraphe qu’aujourd’hui encore, je n’oserais guère désavouer :

Mais pour notre petit, très petit monde officiel, qui est l’abbé Groulx ? L’abbé Groulx est un homme droit qui ne sait ni plier, ni se courber, c’est un mauvais courtisan qui a l’audace de rester indépendant dans un pays où cela n’est pas permis, de s’élever tout seul dans un monde où l’on ne s’élève qu’en rampant, qu’en s’usant les genoux et en courbant l’échine. L’étonnant, ce n’est pas que l’abbé Groulx ait été ignoré pendant les fêtes du quatrième centenaire : c’est qu’il soit ce qu’il est.

Le Travailleur, de Worcester, Mass., rend aussi son hommage à l’homme « qu’on a bêtement mis de côté, ignoré, lors des fêtes du quatrième centenaire de la découverte du Canada » et cite l’article de Georges Langlois. La Liberté, de Winnipeg, fait de même.

Bel éloge, trop bel éloge que je m’excuse de reproduire. La chose importe néanmoins pour l’intelligence de ce qui va suivre en ce volume de Mémoires. Pour cet oubli, la jeunesse aurait pu s’en prendre à elle-même. Elle me faisait alors une publicité tapageuse, sans égard pour les oreilles des puissants. Elle avait oublié, en 1934, que les politiciens ont l’œil au guet et la rancune tenace.