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II

VOYAGE AU MANITOBA

Au printemps de 1928, je laisse de côté ces mêmes occupations et pars pour un voyage au Manitoba. Qui et quoi m’entraînent de ce côté ? En ces derniers temps, quelqu’un de l’Institut scientifique franco-canadien, Édouard Montpetit, m’a proposé un cours d’histoire du Canada en Sorbonne. L’invitation, je l’avoue, m’a pris par surprise. Le caractère officiel de l’Institut ne m’est pas inconnu. L’organisme fonctionne avec une double subvention du gouvernement de France et du gouvernement de Québec. Or je n’ai guère bonne presse en ces quartiers-là. Ma surprise se change en hésitation. Un cours d’histoire en Sorbonne ? Sur quel sujet ? Montpetit, Rodolphe Lemieux, l’abbé Émile Chartier y ont passé tour à tour avant moi. Ils ont couvert et recouvert le terrain. Un sujet peut-être nouveau me vient toutefois à l’esprit : aller parler là-bas de l’Enseignement français, dans le Québec d’abord, et parmi les minorités françaises des diverses provinces du Canada. Histoire que je n’ai pas encore fouillée, mais que je sais remplie de luttes, de courageux et parfois même d’héroïques efforts, de la part d’un petit peuple si isolé en civilisation anglo-saxonne. Et il me semble que présenter cette histoire à un auditoire de France le pourrait intéresser. Là-bas, on ignore tellement ce que nous a coûté la survivance française. J’en souffle un mot à Montpetit ; il trouve le sujet « émouvant ». Il n’y a donc plus qu’à se mettre au travail. Les cours auraient lieu, me propose-t-on d’abord, à l’automne de 1930. L’enquête