sans doute à une équipe qui aura laissé derrière elle autant de regrets mélancoliques que de réconfortants souvenirs. On n’imagine rien de plus décevant et de plus pénible, en effet, que la lente désagrégation du groupe ou de l’école nationaliste. En sa vie à lui, LaVergne se reprochait certains écarts ; il s’était quelque peu amusé ; il était resté jeune ; il avait goûté peut-être plus qu’il ne faut, la joie de vivre. En politique, il avait changé de parti. Mais il en avait changé sans rien changer de ses convictions profondes. À Ottawa, libéral ou conservateur, il restera toujours ce qu’un député canadien-français doit y être : avant tout un représentant de sa province, de sa nationalité, de sa foi. Au parlement de Québec on l’entendra un jour s’écrier : « Je ne suis qu’une voix, mais je suis une voix libre. » « J’ai toujours été un franc-tireur, dira-t-il un autre jour, dans un discours à Montréal. J’ai essayé de monter la garde aux avant-postes. » À l’encontre de tant de cyniques, jamais il ne s’était moqué ni n’avait cru nécessaire de se moquer de sa jeunesse. Son pays, le Canada français, les siens, sa langue, il les aima toujours comme il les avait aimés jeune : amour intransigeant, presque mystique, auquel il avait tout sacrifié. Il mourut pauvre.
Que de vérité en la fin de ce discours, confession pathétique, qu’il prononçait, à Montréal, deux ans avant sa mort, le 11 avril 1933, lors d’un Ralliement patriotique au Monument National :
J’ai cherché à servir mon pays sans rien lui demander en retour. À ceux qui reprochaient à Madeleine d’avoir répandu inutilement un parfum précieux sur ses pieds, Jésus répondit qu’il lui serait beaucoup pardonné parce qu’elle avait beaucoup aimé. Je demande à mes compatriotes d’agir de même lorsque je serai disparu, de me pardonner beaucoup parce que j’ai beaucoup aimé. Me rendant compte de mes exagérations, de mes violences, de mes injustices peut-être, j’ai conscience d’avoir versé aux pieds sacrés de la patrie tout ce que j’avais de meilleur.
Noble, émouvante figure qu’on aurait pu croire taillée et sans qu’elle y parût étrangère, en quelque haute imagerie de l’histoire chevaleresque.