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mes mémoires

donner à toute sa paroisse, au moyen d’images et de projections, un enseignement vivant. Il fonda des bulletins paroissiaux pour prolonger dans les familles la prédication du dimanche. Il se fit rédacteur de calendriers religieux. Il organisa des congrès eucharistiques régionaux.

Il avait aussi la passion des œuvres de jeunesse masculine. Ses écoles étaient la prunelle de son œil. À Kinkora il fonda une école catholique séparée. En toutes les paroisses où il fut curé, il styla admirablement ses enfants de chœur ; il voulut avoir une salle publique, un soubassement d’église où poursuivre des œuvres post-scolaires. Devenu prêtre parce qu’il avait été le protégé d’un curé, toute sa vie il s’appliqua à discerner et à susciter des vocations sacerdotales. Que de jeunes hommes, en sa région, lui doivent leur cours ou partie de leur cours d’études ! Des protégés, il en comptait un peu partout, tellement sa bourse s’ouvrait d’elle-même pour toutes les œuvres d’action nationale et religieuse. Et, quelque intime que soit le souvenir, on me pardonnera peut-être de le rappeler ici, pour la générosité peu commune qu’il me fournit l’occasion de louer. En 1906, il y avait au Collège de Valleyfield un jeune prêtre qui, depuis quelques années déjà, y était professeur de latin, de grec et de littérature. À la vérité, il avait bien trouvé quelque inconvénient à enseigner des choses qu’il ne savait guère, surtout en face d’un écolier qui s’appelait Jules Fournier. Mais ce sort lui était alors commun avec tant d’autres qu’il lui en devenait presque tolérable. Le désir d’études en Europe ne laissait pas de lui hanter l’esprit. Mais absolument sans ressources, et, professeur, depuis six ans, au salaire de $40, puis de $70, par année, il passerait toute sa vie en rêves extravagants, à moins que la Providence ne s’en mêlât. Un jour, il recevait un billet rédigé à peu près comme ceci : « Si tu veux aller faire un séjour d’études en Europe, nous sommes trois qui t’offrons de te payer toutes tes dépenses. » Et voilà comment la Providence avait décidé de s’en mêler. Ces trois étaient le confrère Onésime Boyer, du diocèse d’Ogdensburg, É. U., le confrère Laurendeau et le confrère Émery, auxquels s’était joint un ancien professeur et un vieil ami, l’abbé Sylvio Corbeil. Or, les trois premiers n’étaient que de tout jeunes curés, encore pauvres, à peine installés dans leur premier presbytère. L’autre, professeur de collège depuis toujours, n’avait jamais thésaurisé qu’à raison de $40 et de $100 par année.