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cinquième volume 1926-1931

Quand on ne peut prétexter l’absence de M. Béique, on invoque l’absence de M. Dandurand ou celle de M. Gouin. Et le recteur de laisser aller le jeu de cache-cache. La comédie peut durer indéfiniment. Espérait-on me lasser et m’acculer à la démission ? Au cours des vacances de 1927, une lettre d’Antonio Perrault m’atteint à Saint-Donat. Mon ami m’invite à tenter une dernière démarche auprès du recteur. Je lui réponds qu’en toute dignité je n’en puis rien faire. Je quitterai l’Université. Je me ferai curé. Soudain, coup de théâtre ! Perrault serait-il intervenu auprès du chancelier de l’Université, Mgr Georges Gauthier ? Le chancelier intime au recteur de se montrer plus ferme et lui tient ce propos : « Si ces Messieurs de l’administration s’entêtent à refuser ses légitimes honoraires au professeur d’histoire du Canada, l’Administrateur du diocèse, qu’ils en soient bien avertis, lui constituera ces honoraires à même la mense épiscopale, mais il restera à son poste. » Les vacances de l’été de 1927 touchant à leur fin, une réunion de la Commission d’administration a lieu. De nouveau le recteur soumet le « problème » tant de fois écarté. Une fois de plus M. le sénateur Béique propose l’invariable ajournement. Colère du recteur : « Monsieur, je ne sais plus qui est absent. C’est assez longtemps se moquer d’un professeur ! » Et le recteur de brandir la décision du chancelier. Et M. Béique de baisser humblement la tête. Un mot m’arrive à Saint-Donat qui m’annonce la bonne nouvelle. À ma rentrée à Montréal, tout glorieux, Mgr Piette me raconte son exploit.

Ainsi la Providence arrange les choses au moment même où l’on croit tout gâté. Sans doute, ma vieille maman avait-elle beaucoup prié pour que le Bon Dieu fléchît enfin les divinités universitaires.

L’Histoire avant tout

L’événement m’apporterait un peu de ce calme ou de cette sérénité indispensable à tout travail intellectuel. Redevable de mes moyens de vie à l’Université, je lui devais en conscience l’emploi de mon temps. Excellent motif de me défendre désormais contre les tentations de l’éparpillement. Je vais donc me