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Canada. Le journal anglais voulait même ajouter — et je cite comme preuve qu’en ces milieux on ne m’a pas toujours maltraité — : « He (abbé Groulx) is one of the best known historians in Canada, his work ranking with that of Canada’s established authorities. » Je dois ajouter, pour n’être pas en reste avec mes amis canadiens-français, qu’un nommé Robert Guermantes écrivait, pour sa part, dans Le Canada (de Montréal, 11 juillet 1931) : « L’Académie française, ô blasphème ! ne montre pas toujours du discernement dans l’attribution de ses prix… Cette année elle a bien agi. S’il était un auteur au Canada qui méritât la reconnaissance de la docte académie, c’est bien M. l’abbé Lionel Groulx. »

Là-bas, en France, une autre amabilité m’était réservée. Aiguillonné, éperonné encore cette fois, je le crois bien, par notre ministre plénipotentiaire, le Comité France-Amérique acceptait de publier en volume mes conférences de Paris. Plus heureux que mes devanciers qui l’auraient pourtant mieux mérité, ces conférences de 1931 allaient obtenir au vieux pays un écho prolongé. Le Comité France-Amérique incluait l’ouvrage dans sa série des Études américaines dont il serait le deuxième volume de cette année-là, le premier étant une Initiation à la vie aux États-Unis, ouvrage écrit en collaboration. Le Français au Canada, titre que l’on se plut à donner à mes conférences, parut en 1932 chez l’éditeur Delagrave. On en fit un tirage de quelques milliers d’exemplaires que le Comité France-Amérique et M. Philippe Roy distribuèrent généreusement en France. Notre ministre de Paris en distribua pour sa part 250 exemplaires ; 500 s’en allèrent au secrétaire de la province, Athanase David. Peu mince succès pour M. Roy qui avait ainsi forcé la porte du ministre. Un millier, je crois, prirent le chemin du Canada. M. Georges Goyau, toujours à la demande du Comité et de M. Roy, avait honoré Le Français au Canada d’une assez longue préface dont il fit plutôt un « Épilogue ». Le premier paragraphe donne le ton de ce bout de littérature, en même temps qu’il indique ce qui, en mes conférences, avait touché le cœur de nos cousins de France :

Dieu ! Patrie ! Liberté ! ces trois mots, qui servaient de drapeau, il y a maintenant un demi-siècle, aux revendications religieuses de Jules Simon, pourraient s’inscrire comme épigraphe en tête du