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propos m’était tenu, il est bon de le noter, avant la conquête de l’Éthiopie par le Duce. De quoi encore avons-nous parlé chez M. Forbes ? De tout, je pense, excepté peut-être de ce qu’il eût fallu aborder de front. Toutefois j’ai sûrement traité du problème canadien-français. Sous quel angle ? Aucun souvenir. Ce brave homme de M. Forbes voyait, dans les Canadiens français, le meilleur élément britannique, le plus attaché à l’Angleterre, par crainte du voisin américain. L’ai-je encouragé en cette persuasion ? J’en doute fort. Quoi qu’il en soit, le Père Leduc m’écrivait quelques jours plus tard : « L’ambassadeur d’Angleterre est heureux jusqu’à l’enchantement ! » De quoi me faire croire un diplomate émérite, et avec un peu moins de modestie, une sorte de petit Talleyrand !

Le lendemain me réserve la plus intéressante, la plus vivante, la plus profitable aussi, je crois, de mes entrevues : l’ambassadeur de France, M. le vicomte de Fontenay m’accorde audience. Je me trouve en face d’un beau type de Français : une fort belle tête, presque carrée mais plus élargie du front, une chevelure fine, légèrement blonde, une moustache fière, des yeux vifs et bons qui regardent droit. On le dit très puissant et très estimé à Rome et ami personnel du Cardinal Cerretti. Il aborde sans préambule le sujet. Il nous connaît assez bien. Il a pris notre cause à cœur. Il souhaiterait nous venir en aide, avec discrétion toutefois, juste assez pour ne pas se faire dire, un jour ou l’autre, de se « mêler de ses affaires ». Pour nous accorder cette aide, il veut toutefois qu’on le documente. Et, sur ce point, il corrobore le Père Leduc : rien de nos journaux, de nos revues, de nos livres, n’existe à la Bibliothèque vaticane. Et ceci dit, M. le vicomte de Fontenay aborde le chapitre des reproches dont, à son dire, nous ne pouvons nous disculper. Il nous reproche premièrement de n’avoir point de représentant permanent à Rome ; il voudrait que l’on y maintînt à tout le moins, un prélat malade ou « censé l’être » et dont ce serait le rôle de renseigner l’épiscopat canadien-français. Comme je lui fais remarquer sur ce point, que le « représentant » serait vite dépisté par nos amis irlandais qui obtien-