Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
mes mémoires

tervention du recteur et surtout son algarade. Ils viennent se renseigner. Je les écoute et pour découvrir quoi ? Un rebondissement de la querelle de la « Semaine d’histoire » ! En publiant, dans L’Action française, l’article d’Henri d’Arles contre l’abbé Émile Chartier, doyen de la Faculté, le professeur d’histoire du Canada aurait manqué gravement à l’éthique professionnelle ; donc pour ce galeux, point de grâce, point de rajustement d’honoraires. Ainsi a parlé le recteur. Et les collègues de rester bouche close. À mes deux visiteurs je réédite ma version du triste incident de la « Semaine d’histoire » : détermination avouée de l’abbé Chartier de « foncer sur l’abbé Groulx » ; Henri d’Arles pris également à partie ; riposte de ce dernier, riposte publiée dans L’Action française, mais après consultation et assentiment de tous les responsables de la revue. Mes deux collègues me remercient ; renseignés, éclairés, ils se promettent de rouvrir le débat au Conseil de la Faculté des lettres.

Hélas, l’affaire va se corser bien davantage. L’incident de la « Semaine d’histoire » rebondit à la Commission d’administration. Et porté là par qui ? Je n’ai pas osé chercher le coupable, trop assuré de le trouver. Les hauts dignitaires de l’Université, présumément gagnés au plaidoyer d’Antonio Perrault, se rebiffent. En leurs cervelles loyalistes et libérales, mon passé récent de L’Action française, tout mon enseignement d’histoire refluent en flots tumultueux. Je sollicite une faveur de l’Université. Belle occasion de m’attacher, de me tenir, et peut-être aussi de se débarrasser de l’indiscipliné. Les grands maîtres de la démocratie, d’un pouvoir fragile, ont toutes les passions farouches, l’instinct despotique des tyranneaux inquiets. Je reçois donc, rédigé en bonne et due forme, un procès-verbal de leurs délibérations. Un rajustement d’honoraires, soit, mais à la condition de m’engager sous ma signature :

1oà prêcher à mes étudiants la loyauté à la constitution du Canada ;
2oà ne rien dire ni rien écrire qui puisse blesser les légitimes susceptibilités de nos compatriotes anglo-canadiens.