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mes mémoires

nale en 1867 : la province de Québec, recouvrant, dans un régime fédératif, sa personnalité à la fois politique et culturelle ; la Confédération canadienne à la fois pacte entre les provinces et pacte entre les deux races fondatrices du pays, la française et l’anglaise, toutes deux se garantissant théoriquement l’égalité de droits devant la constitution. Et je conclus, regardant bien dans les yeux mon interlocuteur qui m’a paru étonnamment secoué par mon exposé, je conclus : par conséquent, Monseigneur, dans cette perspective, toute politique, qu’elle vienne d’Angleterre, d’Anglo-Canadiens mal résignés à la survivance du fait français au Canada, ou qu’elle vienne — pardonnez-moi de vous le dire — de notre Mère la Sainte Église, toute politique qui tend à affaiblir ou à supprimer ce fait, va à l’encontre d’une tradition historique vieille d’un siècle et demi, à l’encontre également de droits légitimement conquis et consacrés par les plus hautes autorités de l’Empire britannique et par la constitution du Canada. Je dirai plus, toujours avec votre permission, Monseigneur, lorsqu’une Congrégation romaine, en certains diocèses de chez nous où existent des majorités de Canadiens français catholiques ou de fortes minorités de ces mêmes catholiques, nomme des évêques irlandais ou autres profondément hostiles au fait français, Rome alors non seulement refuse à des catholiques de vieille souche la sorte de pasteurs qu’elle ne refuse pas au moindre petit peuple des missions africaines — je veux dire des évêques respectueux de la langue, de la culture, des traditions de leurs ouailles, — mais Rome, au grand dam de son prestige, se donne l’air, bien involontairement je le sais, de pactiser, au Canada, avec les éléments les plus hostiles et à notre culture et à notre foi — les fanatiques orangistes — ; et Elle se donne l’air encore de prendre parti dans un débat de notre politique intérieure, contre une minorité française et catholique qui forme tout de même trente-trois pour cent de la population canadienne et soixante-dix pour cent à tout le moins de la population catholique au pays… Pour finir, je lui cite de mémoire un passage d’un discours de sir Robert Borden, discours prononcé à Oxford où cet Anglo-Protestant, ancien premier ministre du Canada, a nettement déclaré l’impossibilité et l’inopportunité d’assimiler les Canadiens français.