Un jour, mes cours à peine terminés, un billet de M. Roy m’avertit qu’il donnera, en l’honneur du conférencier de 1931, un dîner d’État. L’événement — à coup sûr, un événement pour moi — était fixé au 12 février. Je ne me souviens plus en quelle salle il eut lieu. Mais on devine un peu quels sentiments j’éprouvai, lorsque je me vis placé à table entre deux académiciens, René Bazin et Joseph Bédier, pendant qu’en face de moi, aux côtés de M. Roy, s’asseyaient Georges Goyau et Louis Madelin. Une quarantaine de convives se trouvaient là, recrutés dans le monde des lettres, de la politique, etc. La gracieuseté de mes voisins, celle toute pareille de mes vis-à-vis, m’ôtèrent l’envie de me glisser sous la table. Mais le bon M. Roy était joyeux, paraissait triompher. Il avait l’air de me dire : « Vous voyez : je ne pouvais faire plus, parce que j’ai tout fait pour vous marquer mon estime et mon amitié. » Par bonheur, il n’y eut pas de discours, seulement quelques mots de M. Roy pour me remercier de mon passage à Paris et me souhaiter excellent retour au Canada. Il m’en avait prévenu : je n’aurais pas à parler. J’en étais fort aise. Aurais-je pu surmonter mon émotion ?