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comme celles-ci : « Mais M. l’abbé, ceux qui, chez vous, tiennent ces propos, ne comprennent rien à notre politique… Ces ministres ne sont que des pantins, des fantômes ; ils ne sont que l’ombre du gouvernement… Ceux qui gouvernent, en fait, ce sont nos grands fonctionnaires, nos grandes administrations. Là est la continuité ; là réside la stabilité… » Je subis l’averse le plus stoïquement possible. Trop bien élevés, ces jeunes gens ne sont pas lents à se ressaisir. Ils me paraissent un peu gênés de leur emportement, de leurs éclats. Je m’excuse d’avoir proféré, bien involontairement, des paroles si inflammables. Profitant du départ de quelques-uns, requis ailleurs par un engagement quelconque, je prends moi-même congé de mon hôte.

Rentrant chez moi, ce soir-là, seul dans la rue, je puis méditer à mon aise sur l’élément passionnel qu’au beau pays de France, traîne avec soi toute discussion de caractère politique. Eh ! quoi, me dis-je, ces catholiques français admettent avec une humilité touchante tout le mal que l’on peut dire de leur catholicisme. Mais n’allez pas toucher à la sacro-sainte république ! Autant forcer la bouche d’un volcan ! Feu volcanique, en effet, chez eux, républicaine ou monarchiste que la passion politique et qui peut tout dévorer. Bien des fois, à des amis qui ne comprennent rien à certaines attitudes politiques des catholiques de France qui, lors du mouvement franquiste contre les rouges d’Espagne, par exemple, se scandalisaient des étranges attitudes du journal Sept et d’un homme tel que Jacques Maritain, ce dernier prenant presque parti pour les révolutionnaires, souvent, dis-je, j’ai raconté cette anecdote de ma soirée chez J. Wilbois. La parabole valait la meilleure des explications.

Père Pinard de La Boullaye à Notre-Dame

Parmi mes grands bonheurs de Paris, en cet hiver de 1931, je ne veux pas oublier le deuxième carême qu’il m’est donné d’entendre à Notre-Dame. On me prodigue, ai-je dit, toutes les