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cinquième volume 1926-1931

table prennent encore place, M. Pierre Deffontaines et Mlle Brunhes, fille de Jean Brunhes, le géographe. J’ai oublié les autres et leur nom. En tout une dizaine de convives. De quoi avons-nous parlé ? Du Canada ? Des Canadiens français ? De géographie et d’histoire canadiennes ? Possible, puisque M. Wilbois, récemment de retour d’un voyage chez nous, dirigeait la conversation. Mais je ne me souviens de tout cela que vaguement. Ce que je n’ai pas oublié, c’est la petite scène tragi-comique que, sans le vouloir, je provoquai après le dîner. Nous étions passés dans le salon pour y siroter le café. Les femmes avaient pris place sur des divans. Je me trouvai adossé à une cheminée, les hommes formant demi-cercle devant moi, leur tasse de café à la main S’étaient-ils donné le mot ? S’étaient-ils vraiment proposé de me jeter sur un terrain glissant ? Gaétan Bernoville, autant que je me souviens, prit la parole :

M. l’abbé, nous voudrions vous poser deux questions.

— Posez-les. Je ne m’engage pas à répondre. Mais si je le puis, je le ferai.

M. l’abbé, que pense-t-on chez vous de notre catholicisme ?

La question était délicate. Je me tournai la langue dans la bouche. Et je me risquai :

— Ce que l’on pense de votre catholicisme ? En somme, beaucoup de bien. Peut-être ne savez-vous pas jusqu’à quel point vos maîtres en spiritualité sont nos maîtres spirituels. Je dirais même plus : nos gens instruits ne lisent guère le latin, ni l’italien. Ce sont donc vos écrivains religieux, théologiens ou autres, qui monnaient pour nous la doctrine catholique. Un livre de valeur