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niche aux autorités, surtout à cette époque où la jeunesse, ardemment nationaliste, ne pardonne guère à ses maîtres de ne l’être pas. Le reste de la conférence avait beau s’appliquer à démontrer la fausseté du dict de Papineau, le chatouilleux abbé Camille Roy se voila la face et eut envie de se signer. J’avais d’abord prononcé cette conférence à Ottawa où ce début était de tout repos. À Québec, je l’avoue, j’aurais dû me montrer plus circonspect et moins scandaleux.

Hélas, cette conférence sur « Les idées religieuses de Louis-Joseph Papineau » avait déjà son histoire. Je la prononçai, pour la première fois, au Cercle universitaire de Montréal, en 1924, puis en 1926, au Cercle littéraire de l’Université d’Ottawa. Mal m’en prit pour cette fois. Dès ce titre énoncé dans les journaux, Mlle Augustine Bourassa, petite-fille de Papineau et fort encline à canoniser son grand-père, entre en émoi. Elle se morfond en démarches de toutes sortes pour empêcher la conférence. Elle cherche à faire intervenir les plus hautes têtes de la politique, entre autres, Rodolphe Lemieux. J’ai beau représenter à la chère demoiselle que ma conférence réhabilitera plutôt son grand-père. « Il eut ses crises d’anticléricalisme, lui dis-je, gentilhomme il ne pouvait être un anticlérical professionnel. Je détruirai, ajoutais-je, une légende par trop répandue, même en mon petit pays, où l’on veut que Papineau fût “enterré comme un chien dans son champ”. Bien au contraire, l’on apprendra par l’évêque d’Ottawa, Mgr Guigues, qu’il repose en terre bénite, aux côtés de ses parents, dans une chapelle, près de son manoir. » Rien n’y fit. Le soir où je prononçai ma conférence, j’aperçus Mlle Augustine à la première rangée de l’auditoire, flanquée de deux sténographes. Mlle Augustine se sentit-elle désarmée ? Je perdis son amitié, mais je n’entendis plus parler de rien.