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VI

« MISSIONNAIRE »
DE L’ACTION FRANÇAISE

C’est encore vers le même temps que je deviens le véritable missionnaire de l’Action française. Je suis jeune, je me sens plein de vie, je n’ai pas encore appris l’art de refuser. Les amis en profitent pour me tirer chacun de son côté. Hélas, il est peu de petites villes de la province où je ne suis allé parler. À l’âge où je suis parvenu et pour avoir tant parlotté, il m’arrive de rencontrer des connaissances qui me parlent de causeries ou de conférences prononcées en leur milieu, dont je n’ai gardé qu’un souvenir incertain. Véritable chevalier errant dont les traces se brouillent en son propre esprit. Je parle à Montréal, bien entendu, et je ne sais pour combien d’œuvres et en combien de paroisses ou de salles. Je parle plusieurs fois à Québec, en la salle de l’Université Laval. J’y prononce un discours pour les vingt-cinq ans du journal L’Action catholique. J’y prononce, en particulier, une conférence sur « Les idées religieuses de Louis-Joseph Papineau », conférence reproduite dans le tome deuxième de Notre maître, le passé, et qui débute par ce petit dialogue :

Un jour qu’en présence du curé de Montebello il [Papineau] affirmait n’avoir plus la foi,

— Mais quand donc l’auriez-vous perdue ? lui demanda le curé.

— À dix-huit ans, au Séminaire de Québec.

On imagine la stupeur dans l’auditoire québecois, en ce lieu antique et sacré de l’athénienne cité. On imagine aussi le sourire narquois des séminaristes petits et grands, toujours flattés d’une