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troisième volume 1920-1928

rencier, je ne pus me dispenser en mon remerciement d’y faire allusion moi-même et je dis à la barbe de ces Messieurs de la gendarmerie royale : « Indéniablement ce Dollard était un merveilleux recruteur d’hommes. Mais il recrutait pour la défense de son pays, la Nouvelle-France. Et il était le premier à s’enrôler. » On devine la réaction de l’auditoire.

Ainsi mourut un mouvement généreux en ce pays de Québec où le feu sacré meurt, du reste, le plus facilement du monde au premier vent qui passe. On continuera de fêter Dollard ici ou là, mais par des manifestations isolées, timides, comme l’on ferait d’un héros dont la gloire serait suspecte. N’importe ! Je ne me suis jamais consolé de ce cuisant échec, de tant et si beaux espoirs si sottement broyés. C’est le tragique de la vie que d’être forcé d’assister à ces revirements d’esprits, à ces phénomènes déprimants qui vous laissent dans l’âme quelque chose de l’amère tristesse qu’on éprouve devant un édifice, une maison qui vous est chère et qu’on voit crouler sous les flammes. Ou encore, dirais-je, ainsi s’en vont les rêves les plus séduisants, pareils au beau voilier blanc qui double une pointe et disparaît de la vue.