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elle a aussi sa physionomie morale qui lui est faite par les empreintes de l’histoire. Retrouver ces empreintes, c’est glaner la gloire des aïeux et c’est mieux connaître et mieux aimer son pays (VIII : 252).

Par cette vulgarisation de l’histoire, disait encore un jour, Jacques Brassier [alias l’abbé Groulx], elle [l’Action française] est assurée d’attacher plus fortement notre peuple à sa terre et à ses origines. Pour aimer sa race et son pays il faut en connaître le passé et la noble figure, il faut se sentir lié à une tradition d’honneur (X : 186).

Je relève au moins dix pèlerinages historiques de l’Action française, de 1921 à 1927. On se transporte à la Coulée de Jean Grou, à la Rivière-des-Prairies, à Ticonderoga, États-Unis (Fort Carillon), à Chambly, à Boucherville, à Ville La Salle, à Longueuil, à Vaudreuil, à l’Île-aux-Tourtres, aux Forges du Saint-Maurice, sans parler du Long-Sault, dont il sera question tout à l’heure. En 1923, l’Action française sera même présente, par son président, l’abbé Perrier et par le Père Papin Archambault, aux fêtes qui auront lieu en l’honneur de Mgr de Laval, à Montigny-sur-Avre et à Saint-Germain-des-Prés, ainsi qu’à celles de Vauvert, en l’honneur de Montcalm. Cette même année, je représente l’Action française au centenaire de Laprairie et y porte la parole. Chacun de nos pèlerinages est soigneusement préparé, par entente et collaboration, avec les amis où nous dirigeons notre petite caravane. Le nombre des auditeurs et des pèlerins varie selon les lieux. Mais il peut aller jusqu’à cinq et six cents. Celui des Forges réunissait même 2,000 personnes. Preuve que notre peuple prend facilement goût à ces rappels de son passé. Le pèlerinage consistait en une visite du lieu ou du monument historique, bout d’histoire donné à la foule par un spécialiste. Puis l’on se réunit autour d’une tribune pour entendre les orateurs, ceux du lieu et ceux de l’Action française. À Ville La Salle, notre pèlerinage attire l’une des foules les plus nombreuses. Emporté, sans doute, par les évocations de l’endroit qui fait surgir devant nous la silhouette de Cavelier de La Salle — je crois encore en La Salle — et tout ensemble par l’histoire épique de la découverte du Mississipi et la grande image de l’Empire français en Amérique, j’embouche la trompette pour jeter à l’assistance cette péroraison :