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quatrième volume 1920-1928

nus au pire avachissement national que l’on déplorait il y a quarante ans ?

J’espère, cher M. Groulx, que vous voudrez bien ne point prendre en mauvaise part la présente lettre. Mais je tenais à vous dire mon sentiment sur les développements que vous savez, ajoutant que ma manière de voir, si je ne m’abuse, est bien celle de toute la jeunesse sérieuse d’aujourd’hui. On nous aura fait un mal incalculable, et j’estime que nous avons bien le droit de dire nos regrets et aussi notre peine.

Lettre sévère, mais qui dit peut-être le rôle tenu par l’Action française.

De Californie où il se trouvait en séjour de repos, Henri d’Arles m’écrivait (30 déc. 1928) sur un autre ton :

Si je me réjouis de vous savoir en bonne santé, je ne puis que déplorer une telle fin pour L’Action française qui méritait mieux. Avant de savoir quoi que ce soit à son sujet, d’après la lecture des derniers numéros, j’avais écrit à M. Perrier : « J’ai l’impression que l’A.F. s’en va à la débandade. » Quelques jours plus tard, je recevais une lettre de ce dernier, me donnant la clef de la situation, et la vôtre confirme son pronostic par des informations plus complètes qui ne laissent guère place à l’espérance.

M. Lévesque n’est pas une tête à assumer la direction d’une pareille entreprise… c’est un jeune guerrier, un patron de boutique, envahisseur et encombrant. Depuis quelques mois déjà, je m’apercevais d’innovations qui n’avaient rien d’heureux, et il était facile de constater que la Revue devenait le véhicule de la librairie, le catalogue intéressé des éditions passées ou futures publiées par Lévesque. Elle avait tous les caractères commerciaux d’une agence d’affaires. Et que sa rédaction était piteuse ! Pour ne citer que quelques exemples, je ne crois pas avoir jamais rien lu de plus faible que l’hommage à Mgr Lamarche, ni de plus insipide que le portrait du Père Villeneuve, paru dans le numéro de novembre. C’est au-dessous de tout. Cette