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mes mémoires

le directeur, assisté du même Comité de direction. Pendant toutes ces tractations, le public ne soupçonne rien de notre petite révolution intérieure. Je l’ai même dit plus haut : l’année 1927 compte, dans l’histoire de la revue, pour l’une des plus actives et des plus fécondes.

Rien d’insolite, non plus, en 1928. Toutefois, la Ligue, la revue et la librairie modifient leur nom. L’Action française sera désormais l’Action canadienne-française. Le mot d’ordre de janvier 1928 donne la raison de cette modification :

On sait les malheureux événements qui ont rendu suspect, par tout le monde catholique, le nom d’Action française. Nous n’avions rien de commun avec l’œuvre royaliste de Paris. Nous lui avions emprunté un nom, comme, chez nous, beaucoup d’organes de presse qui adoptèrent un nom déjà usité en Europe. Il suffit que ce nom sonne mal aujourd’hui à des oreilles catholiques pour que nous en changions.

Quelques amis nous blâment de ce qu’ils appellent de la pusillanimité. Un incident que me raconte dans le temps Mgr Joseph Charbonneau, alors grand vicaire à l’archevêché d’Ottawa, nous confirme dans l’opportunité de notre décision. Un jour, me dit le grand vicaire, que je passe à la délégation apostolique, je trouve le délégué, Mgr Cassulo, tout en pleurs devant le journal Le Droit d’Ottawa, ouvert sur sa table.

— Voyez, gémit-il, Le Droit qui se dit journal catholique et qui cite à la page longue un article de L’Action française que le Saint-Père vient de condamner.

Je me penche sur le journal, raconte toujours Mgr Charbonneau, et je constate, en effet, qu’il y a là une large citation de L’Action française.

— Mais, fais-je observer à Son Excellence, il ne s’agit pas de L’Action française de Paris, mais de L’Action française de Montréal !!