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mes mémoires

Un peuple comme le nôtre doit pouvoir marquer sa gratitude à ceux des siens qui défendent son patrimoine et alimentent, par leurs sacrifices, son capital moral (VIII : 251, 320).

Avec le temps l’idée se précise. La Ligue finit par s’arrêter à un seul prix : le « Grand Prix d’Action française », hommage qu’elle veut « aussi solennel que possible au serviteur le plus méritant de la cause nationale ». L’acte méritant pourra revêtir des formes diverses : dévouement momentané ou continu, défense courageuse du droit, publication d’articles, de brochures, d’un livre, fondation d’une œuvre importante, etc. L’Action française énonce franchement son dessein : « Tant de gloires douteuses sont offertes à l’admiration publique qu’il convient d’attirer l’attention sur d’autres spectacles, pour honorer le vrai mérite et redresser le jugement populaire. » Invite est donc faite à nos frères du Canada comme à ceux des États-Unis de « désigner celui des nôtres qui… a accompli, entre septembre 1922 et septembre 1923, l’acte le plus méritoire et le plus fécond pour la défense de l’âme française en Amérique ». Il s’agit, en réalité, d’un plébiscite. Et l’Action française se croit assez solidement en selle pour en assumer l’organisation. Une consultation générale est donc instituée de toutes les sociétés et associations nationales. Et pour cette première fois, le « Grand Prix » ira au sénateur N.-A. Belcourt, alors président de l’Association canadienne-française d’Éducation de l’Ontario. En la personne du sénateur, l’on entend honorer, sans doute, le grand avocat des écoles franco-ontariennes, mais aussi et avec lui, la minorité de sa province dont la magnifique résistance soulève alors l’admiration de toute l’Amérique française.

Pour ce 24 mai 1924, et pour la circonstance, nous avions espéré une célébration en plein air, devant la foule, au Parc La Fontaine. Le mauvais temps nous contraint de nous réfugier dans la salle publique de la paroisse de l’Immaculée-Conception, à proximité du Parc. Au nom de tous, l’Action française présente au sénateur un médaillon en bronze à son effigie. On m’a chargé de l’allocution de circonstance. On en peut lire le texte dans mes Dix ans d’Action française (207-216). J’y fais, cela va de soi, l’éloge personnel du sénateur, et j’ajoute :