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quatrième volume 1920-1928

connaître et par conséquent à nous apprécier davantage. C’est notre devoir tout particulier de ne pas cacher nos lumières sous le boisseau, de faire connaître et d’expliquer notre passé, notre mission, — car évidemment nous en avons une, — notre bonne volonté, nos intentions et nos espérances… Sachons leur faire comprendre que nous avons sur la terre canadienne le droit de vivre notre vie propre, de nous développer dans la plus haute mesure possible toujours et en accord avec nos origines, nos caractéristiques, nos traditions, notre foi catholique, notre langue. Nous voulons qu’ils sachent que si nous ne cherchons pas à leur imposer nos conceptions de culture, de croyance ou de race, nous n’avons pas renoncé à la tâche de leur en démontrer la valeur.

Notre contribution au progrès national aura d’autant plus de valeur qu’on nous laissera plus de liberté pour perfectionner nos qualités et nos vertus françaises et chrétiennes. Le pacte fédéral ne pouvait pas avoir d’autre but que d’assurer l’avancement du Dominion, en accordant à chacune des deux grandes races qui l’ont fondé, la liberté et les moyens nécessaires pour assurer le plein et fructueux exercice des aptitudes particulières à chacune d’elles. Il ne peut certes pas avoir eu pour fin de faire de nous des Français qui ne le seraient qu’à moitié.

Voilà ce que j’ai vu dans votre étude. Vous ne me trouverez pas, j’espère, ou importun ou indiscret, si j’ose vous rappeler que c’est là l’évangile national que j’ai prêché toute ma vie chaque fois que l’occasion m’en a été offerte. Aussi, je me réjouis de ce que vous, chef d’un groupe aussi actif et brillant que celui que vous dirigez, ayez, et si éloquemment et clairement, défini nos responsabilités intellectuelles.

Tout cela est bien en accord avec la tâche, qu’historien et publiciste, vous avez assumée il y a déjà plusieurs années et depuis poursuivie avec une ténacité bien admirable, celle de maintenir devant les yeux des nôtres la supériorité des idées morales et des forces spirituelles. Vous avez, dans votre brillante étude, ajouté des raisons nouvelles pour les Canadiens français de s’attacher à la défense de leurs droits, pour assurer leur survivance ; aussi je me permets de vous offrir mes cordiales félicitations.

Votre très sincère,
N.-A. Belcourt