Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337
quatrième volume 1920-1928

telle que L’Action française, entraînée de par son caractère, en des batailles de l’ordre politique, économique, culturel, que me resterait-il de la fonction ou de l’esprit de mon état ? Saurais-je préserver, en ma double tâche, l’essentielle hiérarchie des valeurs ? Souci de bien des jours qui n’a cessé de me tenailler. Pour écrire ce volume de Mémoires, j’ai dû relire les vingt tomes de L’Action française. Me fais-je illusion ? Dans la tenue générale de la revue et dans ma part de collaboration, la préoccupation religieuse n’a pas tenu, me semble-t-il, médiocre place.

En 1926, au cours d’une revue de nos derniers dix ans, Anatole Vanier indiquait la part faite par L’Action française, au « sentiment religieux ». En chacune de nos grandes enquêtes, pouvait-il observer, la question religieuse ou l’aspect religieux de la vie canadienne-française avaient été abordés, exposés, discutés. Avec Mgr Paquet, tous, à l’Action française, nous l’admettons et le professons : « La première de nos forces nationales, c’est la foi. » Évoquerais-je à l’appui de cette affirmation, tel de nos mots d’ordre sur « La primauté du moral », petite page dont je prends la responsabilité et que je veux citer pour une part :

Un peuple n’a pas le droit de laisser choir dans sa vie la primauté du moral. À quoi bon le progrès matériel, le souci de l’hygiène physique, si la vie humaine se corrompt à ses sources, si le capital humain, le premier des capitaux, est affreusement avili ? Peuple jeune, aux forces hier encore intactes, n’avons-nous rien de mieux à faire que d’étaler devant le monde ce que Godefroid Kurth appelait « la pourriture du fruit vert » ? (XVIII : 129).

Ce jour-là, je dénonce — qui le croirait aujourd’hui ? — une pratique regrettable, en train de s’installer : l’ouverture du cinéma le dimanche. Mais combien d’autres engouements et combien de défaillances de même nature, n’avons-nous pas combattus : journalisme jaune, publications immorales, profanation du dimanche, et encore et souvent, le cinéma corrupteur. Sur ce point comme sur d’autres, L’Action française se garde d’en rester au négativisme. À l’occasion de notre protestation en faveur des catholiques mexicains persécutés, Jacques Brassier écrit : « La solidarité catholique est la première de toutes les solidarités, celle qu’il faut affirmer plus énergiquement que toutes les autres » (XVI : 317).