Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
quatrième volume 1920-1928

étincelant », dans un coffret d’or qu’on enveloppa d’un voile de pourpre. Sépulture de fils de roi, sans doute ; hommage aussi d’une race reconnaissante à tout son passé héroïque.

En mes derniers mots, j’insiste sur l’une de mes idées favorites : le rôle de la volonté dans la vie d’un peuple, rôle d’un rappel toujours opportun, à une époque où l’on parle tant de la dialectique ou du déterminisme de l’histoire :

N’acceptons… sur notre destinée le joug d’aucun déterminisme absolu. Nous ne voguons pas ici-bas sur le « milieu vaste » de Pascal, « toujours incertains et flottants, poussés d’un bout vers l’autre ». Toute notre histoire est là qui affirme la puissance de la volonté dans la vie d’un peuple. La philosophie d’ailleurs nous en avertit : Dieu ne meut pas les peuples comme les planètes. Ce sont des êtres doués de liberté qui se meuvent eux-mêmes dans l’influx des énergies divines. Non seulement l’homme est « cause efficiente » de la société, mais son libre arbitre peut être cause des sociétés particulières ; il peut les former, les conserver, les modifier et les détruire. Donc le choix dépend de notre liberté, ou d’être demain une ébauche de nation, disparue avant d’avoir achevé sa destinée, « un essai mal venu » remis au creuset des mystérieux mélanges où les races durables s’élaborent avec le rebut des races manquées ; ou de réaliser, dans sa splendide plénitude, le rêve que Talon exposait un jour à Colbert : « Je ne suis pas un homme de cour et je ne dis pas, par la seule passion de plaire au roi et sans un juste fondement, que cette partie de la monarchie française deviendra quelque chose de grand. »

Quelque chose de grand ! Le mot conviendrait peut-être à cette « Semaine d’histoire », manifestation intellectuelle d’envergure. Tout se fut bien passé sans un incident désagréable qui me laissa longtemps un amer souvenir. J’ai dit ma vieille amitié pour l’abbé Émile Chartier. Elle remontait à 1901, aux premiers jours de la Croisade d’adolescents. J’ai rappelé aussi le rôle de l’abbé dans ma venue à Montréal en 1915. Quel malin esprit jeta presque tout de suite des ombres entre nous ? Mes cours d’histoire du Canada, qui répondaient à une si longue et si vive attente, remportèrent naturellement plus de succès que les cours de littérature du confrère. Mes modestes lauriers auraient-ils empêché mon ami de dormir ? Mgr Bruchési me prodiguait ses at-