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quatrième volume 1920-1928

Qu’ils détruisent tant qu’ils le pourront l’idée de patrie en l’immolant aux dieux de l’empire ; qu’ils rapetissent la Confédération canadienne en faisant d’elle un logement qui ne soit que pour eux. C’est leur affaire. Mais si entre deux soixantenaires, ils continuent à ne pas s’apercevoir, consciemment ou non, que désaxer le patriotisme n’est guère le fortifier, que les brimades et les injustices sont encore ce qu’on a trouvé de mieux pour défaire tout ce qui pourrait lier les nationalités et faire une nation, il est à craindre qu’au cent-vingtième anniversaire de la Confédération, le nombre des fêtards soit diminué.

Pour ma part, je concluais mon article par ces propos dénués de tout ménagement et de nature à rabrouer l’enthousiasme officiel :

L’on convient qu’après plus d’un demi-siècle d’existence, la Confédération canadienne reste encore un géant anémique, porteur de maints germes de dissolution… Si la Confédération canadienne ne doit pas être qu’un État artificiel, une façade sur la frontière américaine, il est temps de ne plus contrarier les forces et les principes qui ont présidé à la formation de ce grand corps politique et qui devaient lui fournir la poussée vitale. Tout ce que l’on a tenté depuis soixante ans, et tout ce que l’on tentera dans l’avenir contre la sécurité de la race canadienne-française en ce pays, on l’a tenté et on le tentera contre son intérêt à maintenir la Confédération. Elle n’y est pas entrée pour y mourir, ni même pour s’y laisser entamer ; mais pour y vivre, y subsister intègrement. Ce n’est donc pas l’heure de subtiliser ou de rétrécir l’esprit fédéral ; il doit d’autant plus se fortifier et se généraliser à travers le Canada, que le contact des deux races s’y est plus étendu… Les réactions de ces groupes français, aussi bien que celles du Québec actuel contre les dénis de justice et les mesquineries administratives devraient avertir que si jadis l’on put troquer [à] bon marché notre adhésion au pacte fédératif, la génération d’aujourd’hui n’admet point qu’on ait vendu ses chances de vie, non plus que son droit de vivre dignement.

Enquête sur « Vos doctrines ? »

En 1926, parallèlement à l’enquête sur « La défense de notre capital humain », L’Action française entreprend un sondage dans