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quatrième volume 1920-1928

L’Action française ne se contente pas de simples mises en garde ; il ne lui suffit point de prêcher l’hygiène intellectuelle. Les sources vives, saines, où assurer la droiture de l’esprit et préparer, du même coup, une action droite, féconde, la revue se fait un devoir de les indiquer. Elle accorde large publicité, par exemple, à un ouvrage sur Saint Thomas d’Aquin (série d’études publiées par le Collège dominicain d’Ottawa, à l’occasion du sixième centenaire de la canonisation du grand docteur), et ce sera pour souligner, du point de vue de l’action, l’opportunité de cette sorte d’œuvres. Je lis, dans la livraison de mai 1924 (XI : 267) :

Nous avons encore à apprendre chez nous le rôle social d’une saine philosophie. Combien d’esprits soi-disant cultivés s’imaginent pouvoir soutenir et enseigner ce qui leur plaît sur une foule de problèmes d’ordre scientifique, économique, social ou national, comme si les doctrines n’avaient aucune répercussion dans les faits.

Pour confirmer ces lignes où je crois me reconnaître, je citais un large extrait de Maritain, alors très lu dans les milieux de jeunesse. Le jeune philosophe y préconise, en effet, comme prémisse à l’action, la restauration de l’intelligence. Rien de stable n’est à espérer, soutient Maritain, que si d’abord l’intelligence n’est restaurée :

… le grand mouvement de renouveau religieux qui se dessine actuellement dans le monde ne sera durable et vraiment efficace que si l’intelligence est restaurée. Si, dans l’ordre des réalisations temporelles de l’agir humain, il y a une politique d’abord justifiée en raison et tout à fait conforme à l’enseignement du Philosophe — absolument parlant, dans l’ordre des hiérarchies essentielles, il faut dire : intelligence d’abord, métaphysique d’abord, théologie d’abord, vérité d’abord ; veritas liberabit vos. Malheur à nous, si nous ne comprenons pas que maintenant comme aux jours de la création du monde, le Verbe est au principe des œuvres de Dieu.

Que L’Action française, revue d’action nationale, ait fortement recommandé l’étude de l’œuvre thomiste, rien donc de plus explicable. Lors de la clôture de l’année jubilaire du sixième centenaire de la canonisation de saint Thomas, à cette question : Quelle