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quatrième volume 1920-1928

nous éclairent un peu sur la maladie d’Azélie Papineau et sur son séjour à Ottawa en 1856 :

Le pauvre oncle malade [Lactance] vivait à Lyon, quand sa plus jeune sœur, heurtée, combattue et bouleversée dans son rêve d’épouser un artiste… était confiée aux soins des Sœurs Grises d’Ottawa avec recommandation de s’appliquer à la distraire de son rêve. La distraire ! Elle se fixait à certains moments à la fenêtre en disant : « J’attends mon ami. » Et la religieuse commise à sa garde, déterminait en elle-même que la ténacité résolue du Rêve l’emporterait contre toutes les objections des Réalités concrètes (Corr. XVI : 65-66).

En effet, la ténacité l’emporta. En vain, la malade quelque peu rétablie, son père et sa mère, en novembre 1856, vont-ils l’entraîner à Philadelphie, toujours pour la distraire de son rêve. Peine perdue. On revient de Philadelphie au printemps de 1857. Le 17 septembre 1857, Mgr Guigues bénit à Bytown où le fiancé tient alors domicile, le mariage d’Azélie Papineau avec l’artiste Napoléon Bourassa (Corr. XII : 153).

Papineau goûtait médiocrement cette union. Il n’entretenait qu’une foi médiocre en la carrière artistique du prétendant. Le ménage aurait-il de quoi vivre convenablement ? Les futurs mariés, note-t-il, « ont les qualités morales et intellectuelles, mais les industrielles n’ont pas été fortes chez eux ». Mais à quoi servirait-il de les rebuter ? « Ils sont fortement coiffés l’un de l’autre », constate Papineau. Puis, d’un côté comme de l’autre, « il y a de l’éducation, des mœurs, de l’honneur ». Enfin, Papineau se résigne : « L’affaire est bâclée. L’enfant la voulait trop pour y redire » (Corr. XII : 139, 144, 148, 151).

Cette correspondance autour de son mariage nous fournit, sur la mariée, quelques autres traits peu négligeables. L’avenir du nouveau couple n’inspire pas à Papineau que des soucis d’ordre financier. Voici comme il s’en ouvre à Amédée :

Si Azélie est raisonnable, elle songera que l’alliance qu’elle forme ne peut faire son bonheur qu’à la condition qu’elle n’aura pas de goûts de luxe inutiles.