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sévère avertissement du ciel : celui de sortir du monde et de sa famille et d’embrasser la vie religieuse dans la congrégation des Oblats (Papineau à l’abbé Parent, 8 août 1854). Il supplie aussitôt son père de lui obtenir refuge dans la maison de l’évêque de Bytown, Mgr Guigues. Touché du malheur de la famille Papineau, et par espoir d’une guérison peut-être possible, l’évêque accueille le malade. Le réfugié se présente, du reste, avec un petit discours qui arrache des larmes à l’hôte épiscopal :

Vous connaissez toute l’étendue de mes misères. Vous vous y êtes montré sensible quand elles étaient bien moins accablantes qu’aujourd’hui. Dieu, la religion, vos conseils peuvent seuls me soutenir. Je viens les demander. Je n’espère rien du monde. Mon avenir y est brisé sans retour. Mes besoins sont infinis, vos secours, vos consolations sont mon refuge, mon espoir ; je vous les demande… (Papineau à Amédée, le 2 janvier 1852).

{{SA/o|Lactance Papineau vivra là deux ans et demi, tantôt lucide, au moins sur certains points, tantôt abîmé en de noires mélancolies. Chez l’évêque de Bytown, il se croit novice oblat. On lui a d’ailleurs fait revêtir l’habit religieux. Mais les ordinations se succèdent ; et pour le novice, point d’appel. Du chagrin, il passe bientôt à l’irritation. Sa maladie évolue. Ni impoli, ni grossier, il devient incommode. Un jour il s’enfuit de Bytown et tombe inopinément chez les siens à Montebello. Que faire du déserteur ? Papineau juge impossible de le garder chez soi. Le spectacle, écrit-il, serait « trop déchirant pour la mère et les sœurs » et finirait « par affecter leurs nerfs d’une manière fâcheuse » (Corr. XI : 106). Au reste, rebuté à Bytown, le malade veut à tout prix tenter l’ordination dans une autre maison oblate ; il souhaite même passer en Europe. Sur ce, Papineau apprend, de l’évêché d’Ottawa, qu’un hospice existe à Lyon pour les membres du clergé de France atteints de maladie mentale. Les abbés Taschereau et