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quatrième volume 1920-1928

sa dîme à son curé et il se rangera parmi les ouailles de l’apostat Chiniquy. Un soir, au presbytère du Mile End, Bourassa en vient à évoquer la résistance de son grand-père Papineau à la prise d’armes de ’37. La preuve de cette résistance, dit-il, c’est que mon oncle Amédée ne perdait jamais une occasion de la lui reprocher. « Quand on a mené un peuple à cette extrémité, disait-il, il y a devoir de le suivre. »

— Mais il faudrait produire le témoignage d’Amédée Papineau, s’avise de dire quelqu’un.

— Ah ! répond Bourassa, de son rire sarcastique, c’est que l’oncle Amédée n’est pas montrable !

Gustave, le cadet, paraît avoir été l’homme de talent de la famille. Type séduisant, passionnément épris de son pays, ayant toutes les manières du gentilhomme, aimé de tous ceux qui l’approchent. Pendant l’exil de son père à Paris, il a, là-bas, malgré sa jeunesse, magnifiquement profité de son séjour. Tout jeune, il tient l’un des premiers rôles au journal L’Avenir ; il appartient à cette brillante phalange de jeunes hommes qui, vers 1844, part d’un pied si leste pour une entreprise de renaissance nationale. Gustave s’éteint précocement, — il n’avait pas encore 21 ans, — miné par un rhumatisme chronique, compliqué de troubles cardiaques : maladie qui avait failli l’emporter dès le collège.

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Le cas Lactance Papineau

Reste Lactance, le deuxième fils de Papineau, le moins connu, le plus énigmatique des trois. Figure à la fois prenante et étrange. Lui aussi a suivi son père en exil. Il est né le 4 février 1822. Au physique plutôt grêle, petit, châtain aux yeux pâles, nous dit-on. D’autre part, ce nerveux a quelque chose de fin, de séduisant, comme tous les êtres promis à un destin tragique. Sa mère voit en lui « le plus heureusement doué de tous ses enfants ». À neuf ans, dans une gentille petite lettre écrite à son père (3 février 1831), il lui apprend qu’ « au Basar (sic) » il s’est