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quatrième volume 1920-1928

situation et remit pour tout de bon sa démission aux membres du Conseil d’administration. Comme il insistait pour donner sa démission et que, d’après toutes les apparences, Le Devoir courait risque de sauter, M. Bourassa persista dans son attitude, tout à fait explicable.

Les membres du Conseil d’administration lui demandèrent alors qui il proposait pour le remplacer. M. Bourassa me désigna. La besogne était écrasante, les perspectives étaient très mauvaises ; mais je ne crus pas devoir me dérober à cette tâche d’autant plus écrasante que remplacer M. Bourassa était une tâche à vrai dire impossible. Néanmoins, par considération pour M. Bourassa, qui m’avait désigné, pour les membres du Conseil d’administration qui avaient appuyé jusque-là mon administration, et aussi par rapport à mes camarades du journal, que je voulais essayer de sauver du désastre, j’ai fini par accepter. Et voilà comment M. Bourassa fut mis dehors par les gens du journal. Cela est toute la vérité et cela n’est que la vérité. Ceux qui vous ont fait croire, ou qui vous ont mis sous l’impression que M. Bourassa avait été mis dehors, ont oublié ces choses ou ne les ont jamais sues. Ils ont colporté une légende absolument fausse et sans fondement.

De plus, M. Bourassa, propriétaire de la majorité plus une des actions de contrôle du journal, aurait bien pu refuser, s’il avait été mis dehors, de se départir de ses actions. De fait, un mois plus tard, gardant quelques actions qu’il détenait à titre personnel, M. Bourassa me remit le certificat de 2501 actions qui me donnait le contrôle du journal. De même, si ce n’est l’année suivante, c’est au plus tard deux ou trois années après, M. Bourassa nous accorda sa collaboration, avec des articles signés, sur un voyage qu’il venait de faire en Europe. Croyez-vous qu’il aurait fait cela si nous l’avions mis dehors ? Si vous le croyez, c’est que vous ne l’avez jamais connu. À maintes reprises du reste, j’ai rencontré M. Bourassa, j’ai eu des conversations très longues avec lui sur l’orientation même du journal, sur la politique extérieure, et je suis toujours resté en excellents termes avec lui, de même que le président de notre Conseil d’administration, M. Edmond Hurtubise. Croyez-vous que cela aurait été possible, si nous avions mis M. Bourassa dehors, comme vous dites ?

Au surplus, depuis le commencement de la guerre, plus que jamais nous avons suivi toute la politique passée de M. Bourassa sur la question impériale, nous sommes restés en contact con-